(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
4000 semaines
Est-ce illusoire de vouloir les optimiser ?
Ma vie est faite d’environ 4 000 semaines.
Écrit comme ça, ça me paraît très peu ! Comme l’indique cet article1 du Guardian, c’est seulement 4 000 samedis soir, 4 000 dimanches paresseux et 4 000 lundis matin à appuyer sur snooze. Même si je n’ai pas exactement les mêmes références aujourd’hui, voir sa vie résumée à ce petit chiffre, que j’arrive à capturer cognitivement bien mieux que 77 — ans —, 28 000 — jours — ou 67 2000 — heures —, ça fait quelque chose2.
D’autant plus qu’à l’âge que j’ai, il m’en reste environ 2 000...
Évidemment, ça donne évidemment envie de se poser la question : est-ce que je les emploie bien ?
Ce nombre un peu symbolique est le cœur de la thèse d’Oliver Burkeman3. Et ce qui me questionne dans son livre4, c’est la question du besoin de contrôler, planifier, optimiser sa vie. L’auteur était comme ça, et le temps passant, il a pris conscience que le grand flot de la vie fait que les choses n’arrivent finalement que rarement comme planifiées et que le temps ne sera jamais vraiment en ma possession pour le dépenser de façon efficiente.
Sa thèse est que le temps, dans le sens à passer ou à dépenser ou à allouer à des activités, cette forme d’urgence, est une notion apparue récemment, au croisement du déclin de la croyance en une vie après la mort et de la montée de la révolution industrielle. La prise de conscience dans notre finitude, notion chère à Heidegger, et le décompte précis, comptable, voire pécuniaire, du temps, a mis l’humain dans une anxiété et une volonté d’optimisation. Par exemple, quoi que l’on fasse, la procrastination et le FOMO5 sont pour lui inévitables et le seul moyen de s’en libérer est d’en prendre conscience.
Je suis un grand optimisateur. J’aime me dire que je suis bien organisé, un as de la productivité avec des outils et des processus et une discipline qui font bien tourner ma vie... En aparté, je n’ai pas mesuré le temps que j’ai passé à rechercher, itérer, modifier tous ces aspects, rendant peut-être le retour sur investissement de toute cette quête de productivité nulle ou même négative.
Du coup, tout ça m’interpelle : est-ce que je suis tellement dans le souhait de contrôle que je passe à côté d’une partie de ma vie ?
Et je sais pertinemment que la réponse est affirmative. Les situations de tensions intérieures que je peux ressentir sont exactement celles où le temps est compté — on doit partir à l’école, je souhaite qu’on arrive à l’heure à une invitation, etc. Ce sont des moments où je perds le contrôle du temps, par exemple lorsque je suis prêt, mais que mes enfants trainent, et qu’en conséquence, je perds le contrôle de moi en m’énervant.
Et d’un autre côté, j’ai conçu ma vie professionnelle justement pour avoir beaucoup de temps libre et en profiter. En cela, je me considère comme extrêmement chanceux ! Et j’en ai fait probablement plus que beaucoup.
L’un des héros du livre de Burkeman est celui qui va prendre un après-midi sur un coup de tête pour ne rien faire de particulier. Et j’aime à croire que mon curseur personnel n’est pas complètement grippé du côté de l’optimisateur.
Mais je reste avec l’envie de me poser la question suivante : si j’essayais un peu moins d’optimiser l’usage de mon temps, qu’est-ce que je ferais de différent ?
Notes & références
-
Ainsi qu’à ma femme, qui a partagé avec moi ce sujet. ↩
-
Oliver Burkeman, Four Thousand Weeks: Time Management for Mortals, 2021. ↩
-
Je ne l’ai pas encore lu, uniquement des articles à son sujet. ↩
-
En anglais, Fear Of Missing Out, la peur de louper quelque chose, induite par la décision que je prends et qui me ferme d’autres opportunités que je vais peut-être regretter. ↩
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