Hugues Le Gendre

(almanach n°121 du )

Coûts irrécupérables

Comment arrêter de m'accrocher à ce que j'ai déjà investi ?

Concept

Dans la série mon cerveau me joue des tours1, rubrique mes biais cognitifs, je demande le biais des coûts irrécupérables.

On peut définir ce biais ainsi2 :

Un biais dans lequel les humains persistent de plus en plus à décider et à agir de manière illogique, sur la base de décisions qu’ils ont prises auparavant.

Le cas le plus courant : je décide de continuer d’investir dans un projet parce que j’ai déjà tant investi dedans qu’il doit sortir. Au moment de prendre ma décision d’arrêter un projet, je devrais uniquement me dire : « combien faut-il pour le faire voir le jour ? Est-ce un bon/raisonnable investissement ? » Au lieu de ça, je vais me dire : « je ne peux pas me permettre de perdre tout l’argent que j’ai déjà mis sur la table, donc je rajoute un petit peu pour faire aboutir le projet et le récupérer. »

La cause principale de ce biais est très simple : une dissonance cognitive apparaît à l’idée que j’ai pu prendre une mauvaise décision par le passé. Il y a souvent un facteur aggravant à l’idée de cristalliser une perte à court terme alors que je pourrais peut-être me refaire si je continuais. C’est la raison pour laquelle les casinos sont si riches ! 3

Réaction

D’une certaine manière, ce que je néglige là, c’est le coût d’opportunité. Faire un choix, c’est éliminer d’autres options. Et ceci a un coût, car je ne pourrai jamais les explorer et en collecter les bénéfices.

Dans la vie quotidienne, ça peut se présenter de plusieurs manières :

Lorsque l’enjeu est assez faible, je trouve facile de me détacher de cette dissonance et prendre une décision rationnelle. Mais lorsque l’enjeu est beaucoup plus important, comme dans le dernier exemple, ça peut créer une grosse tension. Pour moi, c’est très lié à un sujet que j’ai déjà évoqué : tirer ou relâcher.4 Comment décider si je dois m’accrocher et insister ou bien lâcher prise ?

Par exemple, la génération de mes grands-parents ne divorçait pas. Ça n’était pas vraiment une option, car le poids des croyances individuelles et collectives de cette époque était très fort. Dans les couples où ça n’allait pas, on insistait pour essayer que cela fonctionne mieux, voire peut-être on s’acharnait... J’imagine que ça créait beaucoup de souffrance chez des gens. Mais j’imagine aussi que ça permettait à des couples de passer un mauvais cap et d’être à nouveau heureux. Finalement, est-ce que c’était mieux ? Est-ce que c’était pire ? Est-ce qu’on fait assez d’effort aujourd’hui ? Est-ce qu’on relâche trop vite ?

Personnellement, ça n’est pas un sujet, mais je l’observe autour de moi ou avec des coachés et il crée beaucoup de souffrance.

Ce que je sais en tout cas, c’est que ce biais des coûts irrécupérables est à l’œuvre et va pousser à insister, parfois plus que de raison.

Invitation

Qu’est-ce qui serait différent si j’utilisais le passé à bon escient pour prendre des décisions dans le présent ?

Notes & références

  1. Cette expression est inspirée du livre : A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. Ce podcast, avec le philosophe Charles Pépin, est à écouter pour en avoir une synthèse.

  2. The University of Foreign Military and Cultural Studies, The Applied Critical Thinking Handbook, 2015.

  3. Lorsque je travaillais en salle de marché au début de ma carrière, il avait un adage : « pas vendu, pas perdu. »

  4. À relire : tirer et relâcher.

Des entités sont référencées (en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
biais (45) décision (44)

Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :

Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.

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Comment interagir avec le graphe de dépendance ?

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

L'almanach Apprenti-sage est une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.