Hugues Le Gendre

(almanach n°246 du )

Complexe ou compliqué

Comment ces deux réalités, en fait différentes, invitent à l'humilité ?

Concept

Complexe et compliqué sont deux mots utilisés en général indistinctement alors qu’ils n’ont pas exactement1 le même sens. C’est une différence qui apparaît lorsqu’on étudie notamment la systémique.

Un avion ou une montre automatique, c’est un système compliqué : c’est un assemblage d’éléments qui fonctionnent de façon prédictible, même si techniquement non simple. La causalité suffit à l’expliquer : si j’enlève un engrenage, cela va s’arrêter de fonctionner, et si je le remets bien, cela va se remettre à fonctionner. En aucun cas, il ne va y avoir un comportement complètement inattendu.

La météo, le trafic routier ou un plat de spaghettis, c’est un système complexe : c’est un assemblage d’éléments qui fonctionnent ensemble d’une façon non prédictible. La causalité ne suffit pas à l’expliquer : il faut le simplifier pour le modéliser. Et il est avant tout dispositionnel : ses conditions initiales sont primordiales. On peut essayer d’en anticiper le fonctionnement, mais on n’en sera jamais 100 % sûr.

La théorie du chaos explore une zone grise entre les deux : il y a des systèmes dynamiques assez simples, comme un balancier à 2 bras successifs ou un problème à 3 corps2, dont des différences infimes de conditions initiales entraînent des résultats complètement différents, des trajectoires impossibles à prévoir. Ils devraient être simplement compliqués, mais ils apparaissent complexes.

Réaction

Il peut être difficile d’avoir une capture cognitive totale d’un système compliqué, cela peut nécessiter des compétences très différentes ou beaucoup de temps, mais c’est possible. En revanche, c’est impossible pour un système complexe. Et mes capacités cognitives peuvent m’amener à croire qu’un système est complexe, alors qu’il est simplement compliqué pour d’autres.

Le problème des relations humaines, notamment la collaboration, est souvent un sujet complexe qu’on méprend comme compliqué.

On se dit qu’avec un bon modèle ou de bonnes modalités, on peut le comprendre ou le résoudre. Une grande partie de la théorie du management est basée sur ce principe. Et mon métier de facilitateur et mon métier de coach se basent sur cette croyance. Mais avec une limite : je reconnais et je sais que je n’ai pas la solution absolue. J’aborde chaque nouveau contexte sans en maîtriser la complexité. C’est quelque chose que je reconnais auprès de moi-même, mais aussi auprès de mes clients.

Ça ne m’empêche pas de faire quelque chose, je ne reste pas paralysé. Ça me force à préparer3 une bonne boîte à outils, à me remettre souvent en question et à vraiment accueillir ce qui va émerger : c’est une vague que je vais suivre et qui est toujours unique.

Invitation

Qu’est-ce qui serait différent si je ne confondais pas les deux ?

Notes & références

  1. Sinon, il n’existerait pas deux mots ! C’est un principe fort que j’ai retenu depuis longtemps. S’il y a deux mots différents dans une langue pour une même notion, c’est qu’il y a en fait une nuance de sens.

  2. L. Cixin, The Three-Body Problem (Remembrance of Earth’s Past, #1), 2014.

  3. Comme le disait Eisenhower : « les plans ne sont rien ; c’est la planification qui compte. »

Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :

Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.

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Comment interagir avec le graphe de dépendance ?

Réagir & partager

Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

L'almanach Apprenti-sage est une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.