Hugues Le Gendre

(almanach n°299 du )

Impuissance acquise

Comment je n'essaie même plus, alors même que j'ai récupéré du contrôle ?

Concept

Le syndrome de l’impuissance acquise ou apprise correspond à l’incapacité, développée à force d’efforts infructueux passés, à échapper à une situation aversive, alors même que j’en ai la possibilité.

Le psychologue américain Martin Seligman l’a mise au jour en 1967 dans ses travaux sur la dépression, tout d’abord avec une expérience célèbre1 avec des chiens à qui on assène des décharges électriques. Ceux qui n’ont pas de levier pour les arrêter se résignent vite à les endurer. Lorsqu’ils sont placés dans de nouvelles cages où ils peuvent maintenant éviter facilement les décharges en se déplaçant, ils ne cherchent même pas la solution et se résignent immédiatement à subir les décharges.

Cette expérience a ensuite été reproduite, développée et notamment transposée2 à des humains en replaçant la décharge par un bruit, mais avec les mêmes conclusions.

Réaction

Dans mes interventions, je rencontre régulièrement des gens qui n’essaient même plus. Ils sont dans un contexte où un changement serait objectivement nécessaire. Ils reconnaissent même subjectivement qu’il faudrait faire quelque chose. Mais ils baissent les bras avant même de s’attaquer au sujet.

C’est la collaboratrice qui décide de ne pas faire de feedback à son manager parce qu’elle a appris qu’il ne sera pas pris en compte, c’est l’équipier qui ne pose pas le vrai sujet sur la table parce qu’il a appris que personne ne va s’en saisir, c’est l’adulte qui va reculer devant la discussion difficile avec son enfant ou son conjoint parce qu’il a appris que ça n’allait mener qu’à la confrontation, etc.

Plusieurs essais infructueux ont créé chez eux la croyance que le changement n’était pas possible.

Elle n’est pas présente chez tous et dépend parfois du contexte. Cela semble avoir un lien3 avec la façon dont je me raconte des histoires4 sur mes expériences douloureuses passées, en lien notamment avec une tendance pessimiste. D’après la théorie de l’attribution5, plus je les perçois6 comme globales, stables dans le temps et causées par un facteur interne, plus j’ai de risque d’en pâtir.

Il semblerait7 aussi que le fonctionnement par défaut du cerveau est de présumer l’absence de contrôle et que les expériences positives modifient cette tendance. C’est donc plutôt de la puissance acquise que le contraire ! Et l’exercice physique, même en très petite quantité, aiderait8 à la développer.

Tout ça peut m’aider à éviter de transformer la douleur en souffrance9.

Invitation

Qu’est-ce qui serait différent si je faisais une relecture des moments où je baisse les bras ou bien je ne décide pas, afin de recalibrer cette impuissance en rouvrant le champ des possibles et en y injectant un peu d’optimisme ?

Notes & références

  1. M. Seligman, « Learned helplessness », Annual Review of Medicine, 1972, 23 (1) : 407–412.

  2. D. Hiroto et M. Seligman, « Generality of learned helplessness in man », Journal of Personality and Social Psychology, 1975, 31 (2) : 311–27.

  3. C. Peterson et M. Seligman, « Causal explanations as a risk factor for depression: Theory and evidence », Psychological Review, 1984, 91 (3) : 347–74.

  4. À relire : histoire.

  5. B. Weiner, An attributional theory of motivation and emotion, 1986.

  6. L. Abramson, M. Seligman et J. Teasdale, « Learned helplessness in humans: critique and reformulation », Journal of Abnormal Psychology, 1978, 87 (1) : 49–74.

  7. S. Maier et M. Seligman, « Learned helplessness at fifty: Insights from neuroscience », Psychological Review, 2016, 123 (4) : 349–367.

  8. S. Hammack, M. Cooper et K. Lezak, « Overlapping neurobiology of learned helplessness and conditioned defeat: Implications for PTSD and mood disorders », Neuropharmacology, 2012, 62 (2) : 565–575.

  9. À relire : douleur et souffrance.

Des entités sont référencées (en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
action (8) contrôle (14) neurosciences (3) puissance (3) Martin Seligman (1)

Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :

Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.

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Comment interagir avec le graphe de dépendance ?

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

L'almanach Apprenti-sage est une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.