Hugues Le Gendre

(note n°214 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Autonomie alignée

Changer nos croyances sur le management pour inverser le modèle de décision et regagner en agilité

Introduite par Spotify, dans sa fameuse vidéo1 sur sa culture d’entreprise où est aussi introduite la notion de squad, l’autonomie alignée est selon eux la solution pragmatique à une accélération des rythmes d’innovation nécessaire pour une amélioration continue de l’expérience des clients et l’exploration de nouveaux business modèles comme futurs moteurs de l’entreprise.

Une autonomie forte est vue comme une nécessité afin de permettre à des équipes d’identifier des sujets et de les traiter dans des temps très courts, sans avoir besoin de passer par de longs systèmes de validation, d’implémentation ou de déploiement. C’est évidemment une conséquence de l’accélération de la vitesse d’innovation des concurrents. Mais c’est aussi la prise de conscience que les décisions devraient être prises aux endroits où l’information se trouve, c’est à dire souvent en première ligne. C’est souvent là que les problématiques clients sont les plus ressenties, car elles peuvent avoir un impact quotidien sur les équipes qui sont à leur contact.

Néanmoins, afin d’éviter de tourner en rond ou de partir dans toutes les directions, il reste nécessaire de donner du sens et de la cohérence à l’ensemble des actions de l’entreprise, à canaliser cette énergie créatrice dans une direction commune. C’est le rôle de l’alignement global. Et ça marque la suprême importance pour les décideurs d’être extrêmement vigilants aux bonnes diffusion et compréhension par tous de cette direction et de sa raison d’être. S’il y a de l’incertitude — parce que le message n’est pas clair ou parce qu’il n’est pas compris — on obtiendra soit des initiatives pouvant aller à l’encontre de la vision, soit des logiques où chaque porteur d’initiative cherche à confirmer la pertinence de choix en « remontant » des circuits de décision longs.

Dans le cadre de l’entreprise, l’adaptation au changement passe par la prise de décision et l’implémentation de ces décisions par de nombreuses équipes. Afin que ce processus soit le plus efficient possible, il est nécessaire de se donner un cadre bien adapté.

Ça nécessite au passage un vrai changement de croyance ou de perception sur le leadership et sur le management.

Je pense que c’est particulièrement dur pour le middle management. Accepter que les décisions soient prises en première ligne, c’est accepter de ne plus être au cœur du dispositif de décision. C’est donc se trouver un nouveau rôle qui n’est plus un rôle de validation, mais un rôle d’accompagnement et de développement de ses équipes : créer les conditions pour qu’elles fonctionnent de la façon la plus efficiente possible. Ça passe par la transmission de la vision — et peut-être sa déclinaison contextuelle pour l’équipe —, mais ça passe surtout par le développement des compétences, l’élimination des barrages sur la route de l’équipe et plus important encore, la mise en place d’une véritable sécurité psychologique2.

En pratique, le middle management n’existe probablement pas dans le modèle Spotify : les squads — petites équipes de moins de 10 personnes — sont autonomes et n’ont pas besoin d’une pyramide de validation au-dessus.

Édit. : depuis la publication de cet article, il y a la révélation publique qu’en pratique Spotify n’avait jamais réussi à fonctionner complètement selon la pureté du modèle présenté dans les vidéos1. Ça a calmé par mal de coachs agiles qui tentaient absolument de déployer le modèle dans leur écosystème, simplement parce que Spotify l’avait fait ! Néanmoins, ça ne remet pas en question leur volonté — et la nécessité selon moi — de déporter la prise de décision au maximum au plus près du terrain. C’est une révolution que l’armée a aussi opérée depuis quelques décennies : les conditions d’engagement sur le terrain évoluent tellement vite qu’il n’est plus possible, le plus souvent, de fonctionner en mode command & control.

Notes & références

  1. À voir (en anglais) : partie 1, partie 2 et l’extrait sur l’autonomie alignée. 2

  2. À relire : un autre Aristote.

Illustration originale réalisée pour FaciliterLeChangement.fr

Note : cet apprenti-sage faisait partie d'un de mes précédents sites (FaciliterLeChangement.fr) et je l'ai rapatrié et enrichi ici. L'illustration originale y est remise pour référence.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

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