Hugues Le Gendre

(note n°305 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Cet autre sans visage

À créer pour n'importe qui, je fais n'importe quoi

Sarvasv Kulpati est un créateur dans le contexte tech : il écrit, produit des vidéos, etc.

Il a parfois des difficultés dans ce contexte et se pose souvent des questions presque existentielles sur ce qu’il écrit. Que vont en penser les gens ? Vont-ils être intéressés ? Quelles parties devrais-je garder ou enlever ? Sur quel sujet devrais-je écrire ? Quand il veut lancer un projet, il pense de façon exhaustive à toutes les fonctionnalités qu’il pourrait intégrer pour satisfaire tout le monde...

C’est une expérience qui résonne beaucoup chez moi, notamment sur mon initiative Champs Libres et en particulier Psychologie du code1.

Pour lui2, tous ces problèmes ont la même source : créer pour un groupe imaginaire de personnes que je ne connais pas bien et que je ne définis pas bien. Il l’appelle cet autre sans visage. Et je vais utiliser ce groupe, créé de toute pièce dans ma tête, pour juger ce que je fais, sans savoir précisément ce qu’il cherche. Je vais lui donner un pouvoir, parfois démesuré, sur moi.

Comme ses besoins ou ses problèmes ne sont pas clairs, je vais tourner en rond dans ce que je crée pour lui. Finalement, si je crée pour cet autre sans visage, je ne crée pour personne, et cela ne génère en moi que de la confusion et de l’anxiété. C’est encore pire si je vais plus loin que simplement créer pour lui et que je décide de vivre pour lui ! La transposition version développement personnel de cette idée donne la même chose : faire les choses pour les autres, et plus encore pour un anonyme autre dont je subis les injonctions — la société, la culture, etc. — a peu de chance de mener à l’épanouissement...

Kulpati conseille d’approcher le sujet en créant une audience ultra-spécifique, représentée par une personne que je connais bien, potentiellement moi-même. Elle a des objectifs spécifiques et mesurables et je peux en obtenir du feedback. Dans le jargon UX3, on parle d’un persona précis, mais Kulpati va plus loin en essayant d’en trouver une incarnation réelle et de créer ainsi une audience d’une personne.

Dès que je suis incapable de déterminer si ce que j’ai fait marche bien ou convient bien ou a de la valeur, c’est que j’ai été baladé par cet autre sans visage. Il faut ignorer cette voix et se concentrer sur celle qui compte.

Ainsi, la vie devient plus calme, moins anxieuse et les décisions deviennent plus faciles à prendre.

Finalement, dans le cas où je déciderais de devenir mon propre persona, il s’agit de prêter attention à ce que je ressens, plus qu’à cette petite voix dans ma tête. C’est une manière d’arrêter de me raconter des histoires et de commencer à créer quelque chose qui est aligné.

Notes & références

  1. Plus d’information sur Champs Libres et sur Psychologie du code

  2. Lire l’article original (en anglais).

  3. À relire : lois de l’UX.

Réagir & partager

Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

@lib/utils