Hugues Le Gendre

(note n°249 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Soustraire plutôt qu'ajouter

Par défaut, je cherche à rajouter, alors même qu'il serait plus efficient d'enlever

Lorsque l’on cherche à trouver une solution à un problème ou à améliorer un système, on pense principalement à ajouter un élément plutôt qu’à en enlever un.

C’est la conclusion d’une étude1 parue dans la revue Nature et qui montre, à travers 8 expérimentations, que si on ne nous souffle pas l’oreille qu’il y a peut-être une solution soustractive nettement supérieure, notre heuristique par défaut — notre système 12 — est d’essayer de trouver une solution additive.

Par exemple, les participants voyaient une structure en Lego3 qu’ils devaient essayer de renforcer et au lieu d’enlever une brique mal positionnée, ils en ajoutaient trois. Ou bien lorsqu’un président d’université a interrogé le corps académique et les étudiants sur leurs recommandations pour améliorer la réalisation de la mission de l’université, seulement 11 % des réponses proposaient d’enlever des éléments de règlementation ou de supprimer des initiatives.

Ça n’est pas vraiment que nous valorisons moins les solutions soustractives, mais plutôt que nous n’y pensons même pas. Et lorsqu’on cadre mieux notre pensée ou l’exercice — favorisant le système 22 — alors ce biais disparaît.

À une époque où on s’interroge sur la capacité de notre environnement à gérer notre présence toujours plus envahissante, cet effet est particulièrement préoccupant. Il entraîne une inflation naturelle de nos dispositifs, de nos entreprises, de nos solutions, etc. Par exemple, il est plus naturel de chercher de la croissance afin de devenir rentable — un effet d’échelle par exemple — plutôt qu’une réduction de nos coûts inutiles. On va acheter un meuble pour accueillir de nouveaux bibelots plutôt qu’en réduire le nombre.

Même si l’étude ne le démontre pas, certains auteurs font l’hypothèse que notre culture privilégie les solutions additives, en les considérant comme plus créatives que les solutions soustractives. Ainsi, en proposant d’enlever quelque chose, je pourrais être moins valorisé... Si je considère en plus le biais des coûts irrécupérables4 et l’aversion à la dépossession5, cela me semble assez crédible.

En tout cas, il ne faut pas hésiter à utiliser le principe d’inversion6 — extrêmement puissant — pour contrer cette heuristique. Valoriser explicitement des solutions soustractives dans le cadrage de la demande, à soi-même ou aux autres, peut suffire. Selon moi, favoriser le minimalisme7 !

Car comme le disait Saint-Exupéry :

la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer

Notes & références

  1. Gabrielle S. Adams, Benjamin A. Converse, Andrew H. Hales et Leidy E. Klotz, « People systematically overlook subtractive changes », Nature, 2021, 592, p 258–261.

  2. À relire : système 1 / système 2. 2

  3. Voir sa représentation ici.

  4. À relire : biais des coûts irrécupérables.

  5. À relire : aversion à la dépossession.

  6. À relire : principe d’inversion.

  7. À relire : bien-être et minimalisme ; acheter le bonheur ; dire non ; 6 questions pour une vie plus intentionnelle.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

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