Hugues Le Gendre

(note n°368 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

4 niveaux de lecture

Choisir le bon niveau en fonction de son objectif

Même si je suis passé d’environ soixante livres1 à une trentaine par an, sans compter de nombreux articles longs, depuis mon arrivée en maison dans la nature, je me considère tout de même comme un lecteur assidu.

Je suis loin des 500+ pages par jour de Warren Buffett, qui consacre 80 % de sa journée à la lecture.

Mais je partage son point de vue2 : c’est comme ça que la connaissance se développe. Elle s’additionne, comme des intérêts composés. La science a tendance à dire la même chose : lire régulièrement modifie mon cerveau3 4 et développe ma connaissance du monde. Bill Gates, un autre lecteur vorace, indiquait qu’il ne lit pas de fiction pour ne pas perdre de temps. Mais, à mon sens, il n’y a pas que la connaissance mentale, et la science est formelle : lire de la fiction augmente mon empathie5 et mon intelligence émotionnelle6.

D’un point de vue technique, il y aurait 4 niveaux de lecture, théorisés par Mortimer Adler et Charles Van Doren7 :

  1. La lecture élémentaire
    Il s’agit avant tout de comprendre ce que veut dire la phrase, ce que veulent dire les mots. C’est le niveau que ma fille apprend en ce moment en école primaire.
  2. La lecture d’inspection
    Il s’agit ici de pouvoir comprendre très rapidement ce que raconte un ouvrage. En parcourant la table des matières, l’introduction et la conclusion et en parcourant vite le texte, j’essaie de me faire une idée rapide du sujet et de la thèse.
  3. La lecture analytique
    L’idée est maintenant de comprendre profondément la thèse développée en passant un temps potentiellement très long sur l’ouvrage. Je cherche là à mettre en valeur les hypothèses et le raisonnement.
  4. La lecture synoptique (ou comparative)
    Je remonte d’un niveau pour plonger l’ouvrage dans un corpus plus grand. Je regarde comment ce livre ou cet article s’articule avec le reste de la pensée de l’auteur. Je le compare avec d’autres points de vue d’autres auteurs sur le même sujet. Je peux ainsi en faire une lecture plus critique. Je fais un lien avec mes propres opinions.

En fonction de l’ouvrage que je lis et de l’objectif que je cherche, je peux positionner mon curseur sur le bon niveau de lecture.

Je fais assez peu de lecture d’inspection sur de grands ouvrages, probablement parce que c’est difficile sur Kindle. Dans ce champ, j’avais commencé à étudier la lecture rapide, un ensemble de techniques empiriques pour augmenter le rythme sans perdre la compréhension, mais j’ai quelques doutes sur ces méthodes, qui, à mon sens, ne permettent pas assez de descendre.

Je pense qu’une des raisons de ma baisse d’intensité de lecture récente, au-delà du fait que je passe plus de temps dehors, est que j’ai maintenu un niveau élevé de lecture, au sens de cette échelle, pendant longtemps. À chaque livre ou article, je surligne des passages, puis je reprends mes notes et enfin j’écris ces apprenti-sages. J’ai référencé1 environ 250 livres ces dernières années et j’ai écrit 350 apprenti-sages. Je pense que cela crée tout de même une certaine fatigue et je suis content8 de ralentir le rythme ces derniers temps et de favoriser un peu la fiction, notamment la science-fiction qui est une invitation à prendre du recul sur les défauts de notre société.

En tout cas, c’est une passion que j’essaie de transmettre à mes enfants et je suis ravi lorsque je les vois tous les deux prendre un livre ou une bande dessinée et s’installer confortablement pour quelques instants. Même s’ils sont encore au niveau élémentaire — ils découvrent tout juste la lecture —, c’est l’habitude qui se crée qui m’intéresse. Car l’aisance et la vitesse viendront naturellement... mais l’envie et le rituel seront acquis.

Notes & références

  1. Découvrir ma bibliothèque. 2

  2. Plusieurs sources, derrière paywall, citées ici.

  3. K. E. Stanovich, « Does reading make you smarter? Literacy and the development of verbal intelligence », Advanced Child Development Behavior, 1993, 24, p 133-180.

  4. G. S. Berns, K. Blaine, M. J. Prietula et B. E. Pye, « Short- and Long-Term Effects of a Novel on Connectivity in the Brain », Brain Connectivity, 2013, 3 (6), p 590-600.

  5. P. M. Bal, M. Veltkamp, « How Does Fiction Reading Influence Empathy? An Experimental Investigation on the Role of Emotional Transportation », PLoS ONE, 2013, 8 (1).

  6. R. A. Mar, K. Oatley, J. Hirsh, J. dela Paz et J. B. Peterson, « Bookworms versus nerds : Exposure to fiction versus non-fiction, divergent associations with social ability, and the simulation of fictional social worlds », Journal of Research in Personality, 2006, 40 (5), p 694-712.

  7. M. Adler et C. Van Doren, How To Read A Book, 1940.

  8. En vrai, il y a tout de même une partie de moi en tension sur ce sujet.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

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