(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Avoir raison ou être heureux
L'un des gros dilemmes de ma vie ... depuis tout petit
La citation suivante est attribuée à Marshall Rosenberg, le fondateur de la Communication Non-Violente1 :
On a le choix dans notre vie entre être heureux et avoir raison.
Une autre version utilise « avoir des relations épanouies » à la place de « être heureux ».
C’est un sujet qui me gratte particulièrement, car dans mon enfance, j’ai construit une habitude un peu malheureuse : vouloir toujours avoir raison. Et sa conséquence naturelle pour moi : vouloir toujours avoir le dernier mot. Cette mauvaise habitude, qui a saoulé ma famille pendant longtemps, je la traîne encore un peu aujourd’hui, surtout avec certaines personnes qui me sont chères.2 Je pense que c’est très lourd pour les autres. Surtout, lorsque je commence à faire un petit usage de dialectique précise voire de mauvaise foi pour arriver à m’affirmer. Finalement, en corollaire de ce défaut, j’ai construit un personnage de celui qui sait tout — car au fond, c’est le meilleur moyen d’avoir raison !
Ainsi, je me retrouve souvent pris dans ce dilemme, que j’ai raison ou bien que je le crois.
Avoir raison face à l’autre, c’est le mettre en position d’avoir tort.
Du coup, c’est peut-être le mettre dans l’échec, suivant sa tolérance au fait d’avoir tort. Je l’aliène ou je me mets en posture haute vis-à-vis de lui et du coup, il risque de me rejeter, ce qui va compromettre mon bonheur. Même s’il ne me rejette pas, mais qu’il est blessé, et que je suis moi-même un peu empathique, je vais ressentir cette détresse et je ne peux pas en être heureux.
Il y a un autre aspect intéressant à cette citation, je trouve.
Et si, indépendamment de l’effet que cela a sur l’autre, le fait d’avoir raison me rendait malheureux ? Avoir raison, c’est savoir à l’avance ce qui va se passer. Du coup, avoir raison, c’est se condamner à ne pas être surpris par la vie. Or, les surprises peuvent être bonnes et me rendre heureux. Les surprises, mêmes mauvaises, me mettent dans un état interne de vie intense. Se couper des surprises, c’est vivre dans l’habitude. Et l’adage dit bien : « de l’habitude nait l’ennui ». L’ennui n’est pas un problème en lui-même, mais peut-être me coupe-t-il d’une partie du bonheur ?
Même si on ne retient pas cette seconde idée, la prochaine fois que vous vous retrouvez à essayer de convaincre coûte que coûte quelqu’un, surtout si vous l’aimez, de votre position, posez-vous la question : « là, est-ce que je préfère avoir raison ou être heureux ? »
Notes & références
-
Édit. : J’ai depuis décrit plus précisément le process de la communication non violente. ↩
-
Je pense que c’est parce que les autres ne doivent pas me paraître suffisamment importants pour prendre l’énergie d’essayer de les en convaincre. ↩
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