(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Biais de correspondance
Biais cognitif -- je fais une erreur fondamentale d'attribution entre l'individu et l'environnement
Dans la série1 mon cerveau me joue des tours2, rubrique mes biais cognitifs, je demande le biais de correspondance, aussi appelé l’erreur fondamentale d’attribution.
C’est la tendance, dans l’évaluation du comportement observable d’un individu à sous-estimer les facteurs situationnels et surestimer les facteurs internes à la personne, notamment la personnalité. Ce biais est d’autant plus gênant que les facteurs internes ne sont pas directement pas observables : ils sont au mieux des inférences, au pire des jugements3.
Cette erreur est apparue comme une réfutation dans une étude4 de 1967 sur la théorie de l’inférence correspondante. Depuis, elle a été beaucoup débattue et les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur les conditions exactes de son apparition et surtout ses causes. Quelques hypothèses sont :
- la croyance en un monde juste : théorisée5 dans la fin des années 80, elle soutient que « j’obtiens ce que je mérite et je mérite ce que j’obtiens »
- la prééminence de l’acteur : comme j’observe l’autre, je donne de la prééminence aux facteurs qui lui sont propres et pas à l’environnement, que je n’observe pas directement
- le manque d’effort d’ajustement : notre réponse primaire est de caractériser une personne par son comportement et il faut un effort cognitif conscient et important6 pour ajouter les autres informations, ce qui est rarement fait dans des situations de surcharge cognitive
- la culture : les sociétés plus collectivistes semblent7 moins sensibles à ce biais que les sociétés individualistes — notamment occidentales
L’hypothèse 2 met à jour au passage un autre biais, car je vais avoir tendance à me comporter de façon opposée lorsque je juge de mes comportements. Dans ce cas, je vais trouver des excuses dans l’environnement et moins en moi. C’est le biais de l’acteur-observateur8. Dans une appréciation positive, je vais avoir tendance à une forme d’humilité et dans une appréciation négative, je vais avoir tendance à me déresponsabiliser.
Dans le coaching que je pratique, j’adopte une posture de sponsor inconditionnel9 de l’autre. Ce biais peut avoir tendance à rendre plus dure cette posture. Mais je trouve qu’en l’ayant mis en lumière, il perd de son effet... et la pratique répétée aide.
Et les personnes que j’accompagne sont régulièrement soumises à ce biais. Quand elles évaluent une situation passée, elles oublient que le contexte était différent et elles intègrent de façon erronée des informations collectées depuis — notamment les conséquences observées ensuite. Elles forment souvent un jugement assez dur de la personne — parfois elle-même — en négligeant les informations à sa disposition à l’époque et en prêtant des intentions non sincères. En ça, elles violent une croyance que j’ai et que je trouve aidante : la présomption de bonne intention10. Un petit exercice de changement de perception avec la personne concernée à l’époque suffit souvent à dissoudre le problème.
Et du coup, je me dis que faire ce changement de perception régulièrement et honnêtement en soi peut aussi aider à dissiper ce biais. « Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt... »11
Notes & références
-
J’essaie de documenter différents biais cognitifs, une fois par semaine, un peu comme je l’avais fait pour les lois de l’UX. ↩
-
Cette expression est inspirée du livre : A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. On me l’a chaudement recommandé. Je ne l’ai pas encore lu, mais ce podcast, avec le philosophe Charles Pépin, est à écouter. Édit. : c’est maintenant fait. ↩
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À relire : ça parle de moi ↩
-
E. E. Jones et V. A. Harris, « The attribution of attitudes », Journal of Experimental Social Psychology, 1967, 3 (1), p 1–24. ↩
-
Melvin J. Lerner et Dale T. Miller, « Just world research and the attribution process: Looking back and ahead », Psychological Bulletin, 1978, 85 (5), p 1030–1051. ↩
-
À relire : système 1 / système 2. ↩
-
Darren Lagdridge et Butt Tevor, « The fundamental attribution error: A phenomenological critique », British Journal of Social Psychology, 2004, 43 (3), p 357–369. ↩
-
Dont je parlerai une prochaine fois. ↩
-
Issue de la pratique de Carl Rogers. ↩
-
À relire : le rasoir d’Ockham et les présupposés de la PNL. ↩
-
Ré-écouter cette superbe chanson de Jean-Jacques Goldman. ↩
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