(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Complexe ou compliqué
Deux réalités sensiblement différentes, qui invitent à l'humilité.
Plusieurs fois ici1, j’ai fait la différence entre complexe et compliqué.
Ce sont deux mots qu’on utilise en général indistinctement alors même qu’ils n’ont pas exactement le même sens. Sinon, il n’existerait pas deux mots ! C’est une différence qui apparaît lorsqu’on étudie notamment la systémique.
Rien ne vaut des exemples pour bien le comprendre !
Un avion ou une montre automatique, c’est un système compliqué : c’est un assemblage d’éléments qui fonctionnent techniquement ensemble d’une façon qui n’est pas simple. Mais c’est un système prédictible et la causalité suffit à l’expliquer. Si j’enlève un engrenage d’une montre, elle va s’arrêter de fonctionner, et si je le remets bien, elle va se remettre à fonctionner. En aucun cas, elle ne va avoir un comportement complètement inattendu comme se mettre à sonner « vive le vent. »
La météo, le trafic routier ou un plat de spaghettis, c’est un système complexe : c’est un assemblage d’éléments qui fonctionnent ensemble d’une façon non prédictible. La causalité ne suffit pas à l’expliquer, c’est un système avant tout dispositionnel. On peut essayer d’en anticiper le fonctionnement, mais on n’en sera jamais 100 % sûr. On doit procéder à des simplifications pour le modéliser et les conditions initiales sont primordiales.
La théorie du chaos est à la charnière entre le deux. « Elle étudie le comportement des systèmes dynamiques très sensibles aux conditions initiales, un phénomène généralement illustré par l’effet papillon. Pour de tels systèmes, des différences infimes dans les conditions initiales entraînent des résultats totalement différents, rendant en général toute prédiction impossible à long terme. »2 Ainsi, même avec un système très simple techniquement — un balancier à deux bras successif, le fameux problème astronomique à trois corps —, il est impossible d’en prévoir toutes les trajectoires... En bref, ils devraient être compliqués, mais leur comportement est tellement imprévisible qu’ils deviennent complexes.
Il peut être difficile d’avoir une capture cognitive totale d’un système compliqué, cela peut nécessiter des compétences très différentes, mais c’est possible. En revanche, c’est impossible pour un système complexe. En fonction de ses capacités cognitives, on peut trouver un système complexe, car on n’arrive pas à le capturer par sa logique, alors qu’il est simplement compliqué pour d’autres.
Un problème que j’observe est celui des relations humaines. Idem pour la collaboration. C’est souvent un sujet complexe qu’on méprend comme compliqué. On se dit qu’avec un bon modèle ou de bonnes modalités, on peut le comprendre ou le résoudre. Une grande partie de la théorie du management est basée sur ce principe. Et mon métier de facilitateur et mon métier de coach se basent sur cette croyance. Mais avec une limite : je reconnais et je sais que je n’ai pas la solution absolue. J’aborde chaque nouveau contexte sans en maîtriser la complexité. C’est quelque chose que je reconnais auprès de moi-même, mais aussi auprès de mes clients. Ça ne m’empêche pas de faire quelque chose, je ne reste pas paralysé. Mais ça me force à me remettre souvent en question. Quand j’aborde une session collaborative ou un coaching, je suis très préparé3 et j’ai une boîte à outils bien fournie, mais je suis aussi dans l’accueil de ce qui va émerger et des ajustements que je vais devoir faire pour suivre la vague qui se forme devant moi, toujours nouvelle, toujours unique.
Notes & références
-
À relire : loi de Tesler et un certain accord. ↩
-
Comme le disait Eisenhower : « les plans ne sont rien ; c’est la planification qui compte. » ↩
Réagir & partager
- Participe à la conversation ou à son écho sur LinkedIn !
- Temps de lecture : 3 minutes
- Pour te poser une sage question chaque matin :