(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Contraint d'agir
En soumission comme en rebellion, on n'est pas libre
Dans son livre1 sur l’autodétermination et les sources de notre motivation, Edward Deci donne un double exemple intéressant d’absence de liberté.
Il donne l’exemple d’une femme très compétitive et déterminée. Elle partage à qui veut bien l’entendre les hauts faits de sa réussite : nombre de contrats signés, argent gagné, influence qui va avec, etc. Elle va exactement où elle veut dans la vie, mais la poursuite de ses buts est très importante pour elle, à tel point qu’elle en semble obsédée.
Il mentionne aussi un professeur qui arrive toujours en retard aux réunions, afin de ne pas se comporter comme tout le monde. Il fait exactement ce qu’il veut avec la convenance, en se rebellant contre l’attente qu’il se conforme et soit à l’heure.
Selon Deci, et malgré les apparences, ni la femme ni l’homme ne sont vraiment libres.
Dans le premier cas, il s’agit d’un « exemple de soumission à des valeurs introjectées et socialement canonisées. » Dans le second cas, il s’agit d’un « exemple de défiance contre celles-ci. » Ces deux personnes sont poussées par des forces internes à agir comme elles le font.
La femme se soumet à une pression interne très forte pour réussir, selon des critères extérieurs qu’elle a tellement intégrés qu’elle croit devoir les respecter à tout prix. L’homme se soumet à l’impulsion très forte de défier les forces contraignantes que représente le modèle de la société dans lequel il évolue.
Inconsciemment, l’une joue à fond le jeu et l’autre joue à fond l’antijeu.
Mais, être libre signifie avoir le sentiment de faire les choses de son propre gré. Cela signifie être dirigé dans ses actions par un soi authentique. Cela signifie agir de façon véritablement autonome.
Pour Deci, cette autonomie est primordiale, car elle est l’un des trois besoins fondamentaux à l’origine des motivations humaines. Il explore plus largement le sujet de la motivation intrinsèque et l’échec de la récompense dans la théorie de l’autodétermination2, qu’il développe dans son livre1.
Autant j’avais une bonne conscience que le premier exemple démontrait une absence de liberté, liée à une soumission à des croyances collectives, intégrées individuellement. Autant je ne m’étais jamais fait la réflexion que le rebelle est aussi peu libre alors qu’en apparence, il fait ce qu’il veut !
Je pense que ça a fait bouger mes modèles mentaux.
En tout cas, ça crée des questions. Par exemple, depuis un peu plus de 2 ans, je ne mange plus de viande. C’est une décision consciente que j’ai prise. J’ai choisi de ne faire aucune exception, car je trouvais ça plus facile à appliquer. Mais est-ce que je ne m’enferme pas un peu dans cette décision d’être assez rigoriste ? Suis-je vraiment complètement autodéterminé ? Ou bien, suis-je un peu l’esclave du personnage que j’ai créé : Hugues le pesco-végétarien ?
Notes & références
-
Pr E. Deci, Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?: Motivation, auto-détermination et autonomie (Accompagnement et Coaching), 2018. ↩ ↩2
-
J’ai partagé depuis un apprenti-sage spécifique sur l’autodétermination, que j’ai déjà cité à propos de l’effet IKEA. ↩
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