(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Croire en sa propagande
Il est impossible de ne pas finir par croire ce que l'on est amené à défendre
Puis-je rester objectif lorsque je plaide une cause, même si elle n’est pas la mienne au départ ? Suis-je en mesure de garder mes croyances personnelles séparées de mon rôle ?
A priori, non. Dans un papier de recherche1 publié en 2020, deux chercheurs ont démontré qu’on est forcément amené à croire à la propagande qu’on est amené à défendre. Ils ont pour cela effectué 10 études sur plus de 3000 personnes.
On pensait jusqu’à lors que cet effet était contrôlable. Par exemple, on enseigne aux avocats que ce biais peut être maîtrisé et qu’il est d’ailleurs important de rester lucide pour sécuriser un résultat plus juste.
L’étude montre que ce contrôle est impossible. Le fait d’être amené à défendre une cause engage automatiquement une transformation de croyances. Que l’on soit un professionnel ou un amateur, l’incitation financière à défendre un message impacte forcément l’émetteur du message.
C’est une version inconsciente et subie de la Méthode Coué.
Cette découverte m’invite à bien m’interroger sur les messages que je suis amené à porter.
Étant indépendant, j’ai assez peu la nécessité d’aller porter des messages de mon entreprise auxquels je n’adhère pas forcément au départ. Cette « indépendance de pensée » me protège et je minimise le risque de subir une influence de cette nature.
Néanmoins, il y a toujours des champs de la vie où ce phénomène peut apparaître.
Lorsque je travaille avec d’autres coachs ou facilitateurs et que je suis amené à porter vis-à-vis de mes clients une position commune avec laquelle je ne suis pas forcément complètement aligné, alors je vais finir par m’en autoconvaincre. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, était connu pour demander à ses équipes d’être dans le désaccord, puis de s’aligner — disagree and commit. Autrement dit, avant que la décision soit prise, il est souhaitable de la discuter ardemment, mais ensuite on la respecte et on s’engage. L’étude nous montre que cette seconde phase ne va pas être neutre sur les croyances de l’individu. Et au fil de temps, risque de créer une forme de normalisation, de « moyennage », entre les idées.
Dans le champ de l’éducation, le sujet de garder une cohérence vis-à-vis de nos enfants, que ce soit entre les positions des deux parents ou avec ce que la maîtresse/l’école peut indiquer, n’est pas sans conséquence. Cela confirme qu’il faut bien choisir mon environnement, les personnes que je côtoie2 afin que la transformation de croyance que je vais opérer au passage ne m’emmène pas trop loin de mon alignement profond.
Notes & références
-
D.E Melnikoff et N. Strohminger, « The automatic influence of advocacy on lawyers and novices », Nature Human Behaviour, 2020, 4, p 1258–1264. ↩
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À relire : comportements contagieux. ↩
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