(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Effet acteur-observateur
Biais cognitif -- mon point de vue sur la situation change en fonction de mon rôle
Dans la série1 mon cerveau me joue des tours2, rubrique mes biais cognitifs, je demande l’effet acteur-observateur.
En psychologie sociale, le psychologue Fritz Heider a introduit le concept d’attribution causale : c’est le processus par lequel j’explique les raisons d’apparition de comportements chez moi — je suis acteur — ou chez les autres — je suis observateur. Et je vais distinguer deux grandes familles de causes : les causes internes — dispositions, traits de personnalité — et les causes externes — situation.
L’effet acteur-observateur marque une asymétrie du jugement : je vais avoir tendance à attribuer des causes externes à mon propre comportement, et à attribuer des causes internes aux comportements d’autrui. Autrement dit, je vais me trouver des excuses dans la situation, là où je vais inférer3 des intentions à l’autre.
J’avais évoqué ce biais, car il contribue à un autre biais plus général : le biais de correspondance, autrement appelé l’erreur fondamentale d’attribution4.
Les raisons de l’apparition de ce biais sont assez simples.
Quand je suis dans la position de l’acteur, j’ai accès à ce qui se passe en moi, mais surtout je regarde vers l’extérieur, donc j’ai tendance à trouver dans mon environnement les sources de mon comportement, et en général des excuses...
Quand je suis dans la position de l’observateur, je n’ai pas accès à ses pensées ou ses ressentis et je concentre mon attention sur lui, donc j’ai tendance à moins observer ce qui se joue autour de lui...
Des études5 6 ont montré que lorsqu’on demande ce que les gens retiennent lorsqu’ils ont discuté avec quelqu’un, les réponses les plus communes sont basées sur leurs propres pensées et l’apparence de l’autre.
Ce biais va parfois se mêler au biais de positivité7, en ce que j’attribuerai plutôt mes échecs à l’environnement et mes victoires à ma personnalité.
Comment m’en défaire ?
Il y a plusieurs débuts de pistes pour moi :
- ne pas faire de supposition8 et limiter les inférences
- adopter une vue systémique9 pour regarder toujours largement le problème et les différentes boucles de rétroaction qui l’intègrent
- incarner la loi de Postel10 : être tolérant dans ce que j’accepte et pointilleux dans ce que j’envoie
- faire preuve à la fois d’exigence et de tendresse11
- appliquer le rasoir de Le Gendre12 : la présomption de bonne intention
Ça n’est pas forcément évident, mais ce sont de bons points de départ.
Comme d’habitude, il s’agit de mettre plus de conscience sur ce qui se joue, et de faire de son mieux.
Notes & références
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J’essaie de documenter différents biais cognitifs, une fois par semaine, un peu comme je l’avais fait pour les lois de l’UX. ↩
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Cette expression est inspirée du livre : A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. On me l’a chaudement recommandé. Je ne l’ai pas encore lu, mais ce podcast, avec le philosophe Charles Pépin, est à écouter. Édit. : c’est maintenant fait. ↩
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À relire sur les inférences : ça parle de moi. ↩
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À relire : biais de correspondance. ↩
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Kennon M. Sheldon et Joel T. Johnson, « Forms of Social Awareness: Their Frequency and Correlates », Personality and Social Psychology Bulletin, 1993, 19 (3), p 320–330. ↩
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Joseph P. Forgas, et Kipling D. Williams, The Social Self : Cognitive, Interpersonal, and Intergroup Perspectives, 2002, p 189–204. ↩
-
À relire : biais de positivité. ↩
-
À relire : accords toltèques. ↩
-
Bonne introduction : D. H. Meadows, Thinking in Systems: A Primer, 2013. ↩
-
À relire : loi de Postel. ↩
-
À relire : exigence et tendresse. ↩
-
À relire : rasoir d’Ockham. ↩
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