(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Indépendance et autonomie
Deux notions de types logiques différents, avec des conséquences fondamentales sur ma survie
La cybernétique — l’étude du fonctionnement des systèmes complexes, qui a inspiré les sciences cognitives, l’intelligence artificielle, les thérapies systémiques — nous apprend qu’il faut distinguer indépendance et autonomie.
Bradford P. Keeney, souligne cette différence1 :
- l’indépendance signifie que le système fonctionne déconnecté de son environnement, d’une façon isolée
- l’autonomie signifie que le système s’autorégule, il peut changer lui-même son mode d’organisation pour s’adapter à un changement de l’environnement
C’est une question de type logique2 :
- dans le premier cas, le système a un fonctionnement de type 1, il évolue en isolation, sans connaissance de ce qui se passe autour de lui. Il a probablement des boucles de rétroaction qui lui permettent de s’ajuster et de vivre longtemps ainsi si son environnement est très stable, mais il court le risque de disparaître très rapidement en cas de changement drastique autour de lui, et il ne comprendra pas pourquoi (s’il a une capacité cognitive).
- dans le second cas, le système a un fonctionnement de type 2, au-delà des boucles de rétroaction qui le maintiennent en équilibre, il a des boucles de rétroaction d’un autre niveau logique qui régulent son propre mode de fonctionnement et d’équilibre. Ainsi, en cas de changement de son environnement, il pourra changer complètement son mode d’organisation.
Si on regarde l’évolution des espèces, c’est comme comparer le fonctionnement à court terme d’un organisme qui équilibre ses paramètres de vie en fonction des conditions extérieures avec le fonctionnement à long terme d’un organisme qui va développer une capacité à vivre hors de l’eau pour aller coloniser la terre ferme.
La nuance n’est pas forcément très facile à déceler lorsqu’on n’adopte pas régulièrement une approche systémique3, mais les impacts peuvent être très forts.
Par exemple, le monde du travail change de plus en plus vite, et tout ça est renforcé en cette période de crise sanitaire et économique. Ainsi, je vois bien que si je ne suis pas capable de me réinventer, je cours un grand risque. Quand l’environnement de travail est si rapidement bouleversé, j’ai besoin d’autonomie et pas seulement d’indépendance.
Il n’y a pas beaucoup de secteurs où je pourrai faire le même travail toute ma vie, en ajustant seulement quelques paramètres de niveau 1 — apprendre la dernière version du logiciel que j’utilise, m’adapter aux changements de managers, etc. Et dans les rares cas où c’est encore possible, il y a un risque que cela ne soit que de la survie, pas vraiment un épanouissement.
Il semble plus sain à long terme d’être capable de prendre du recul par rapport au système dans lequel j’évolue — grâce à la position méta4 — et d’identifier les transformations que je dois mener en moi, dans mes capacités et compétences, voire dans mes croyances5 pour me permettre de continuer à m’épanouir quels que soient les changements de mon environnement.
Sur les 14 dernières dernières années, je pense que j’ai exercé plus de 6 jobs vraiment différents — analyste quantitatif en salle des marchés, directeur technique d’une startup sur les paris sportifs, responsable d’une équipe de data-science puis directeur des opérations d’une agence de marketing digital, consultant, facilitateur, coach, (écrivain ?), etc.
Aujourd’hui, je travaille en indépendant, mais à la lumière de cet apprentissage cybernétique, je me rends compte que je suis surtout en autonomie et qu’il faut que je la renforce encore.
Et au passage, je trouve que l’indépendance implique une vraie déconnexion, qui ne me plaît pas vraiment. Alors que l’autonomie permet un moyen d’action dans le monde.
Notes & références
-
B. P. Keeney, Aesthetics of Change, 2002. ↩
-
Je n’ai pas encore écrit sur le sujet des types logiques, mais j’en ai donné un aperçu dans le modèle très important des niveaux logiques de la pensée, dont les niveaux sont des types logiques différents. Par exemple, « l’humanité au global » et un « humain en particulier » sont 2 types logiques différents, l’un est une classe d’éléments et l’autre est un élément. ↩
-
Bonne introduction : D. H. Meadows, Thinking in Systems: A Primer, 2013. ↩
-
Cette position dissociée de soi qui permet de s’observer et d’observer sa propre interaction avec son environnement. Je l’ai évoquée plusieurs fois déjà, notamment sur les projections. ↩
-
On retrouve là les niveaux logiques de la pensée, très importants à comprendre pour mettre du changement dans sa vie. ↩
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