(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Liquidité de crise
Une accumulation d'argent qui révèle un problème
Dans le livre1 qui m’a vraiment fait découvrir les principes source2, je suis tombé sur ce paragraphe qui m’a interpelé :
Le risque est le prix à payer qui donne accès à cette nouveauté. En ce sens, il devrait être considéré plutôt comme un investissement, puisque tout entrepreneur sait que si l’on veut gagner quelque chose, il faut d’abord investir. C’est ce qui explique pourquoi des entreprises qui disposent de beaucoup de liquidités semblent en bonne santé, mais sont en réalité en crise : elles laissent dormir leurs ressources au lieu de les investir dans leur avenir.
L’auteur, Merckelbach, parle d’une crise de liquidité opposée à celle qu’on a l’habitude de voir : ce n’est pas l’absence de liquidité qui cause une crise, mais l’abondance de liquidité qui révèle une crise. Ce que je pourrais appeler une liquidité de crise.
Les entreprises qui ont beaucoup de cash et n’arrivent pas à trouver assez de projets se retrouvent souvent à rendre des fonds à leurs actionnaires, à travers des rachats d’actions notamment, afin de soutenir la valorisation de leur entreprise, autrement que par la projection d’une activité future encore plus florissante découlant de ses investissements présents. C’est un peu simplificateur et ça n’est pas toujours exactement le cas, mais ça montre bien ce problème de riche, qui est parfois prélude à une phase de chute.
Ce qui m’a vraiment interpelé est la transposition de cette observation dans un contexte personnel et individuel.
Une personne — ou un couple — qui accumule beaucoup de liquidité est-elle en crise ?
Au-delà de la constitution d’un matelas de sécurité en anticipation de potentiels coups durs, est-ce que le surplus accumulé sur un compte en banque liquide révèle une crise ? Une forme de manque de confiance en la vie, une forme de retrait du monde, une forme d’immobilisme...
Ayant commencé ma carrière en salle des marchés, j’ai pu observer l’envers du décor d’une certaine forme de finance. Celle de la spéculation, avec les marges colossales que cela peut générer pour les acteurs en place, lorsque tout va bien, et les catastrophes qui nécessitent un sauvetage de l’État, lorsque tout va mal. J’étais en salle de marché entre 2007 et 2009, et j’ai vécu ces deux régimes successifs et la crise qui les a articulés.
Tout ça m’a un peu vacciné sur les produits financiers et j’ai développé une réaction forte à tout ce que mon banquier pouvait me proposer, cherchant à débusquer derrière sa promesse pour moi, la valeur pour lui.
Je pense avoir bougé mon curseur de façon extrême et me comporter aujourd’hui avec une excessive aversion au risque. Je me comporte comme un écureuil pas très malin qui accumule — dans une certaine mesure évidemment, je n’ai pas gagné au loto — sans vraiment diversifier, ni investir. C’est particulièrement vrai en ce moment, où nous avons changé beaucoup de choses dans notre mode de vie pour avoir une vie plus simple.
Merckelbach m’invite ainsi à adopter un regard très critique sur mon approche actuelle et me poser des questions.
Suis-je en crise ?
Si oui, quelle est cette crise ?
Est-ce que c’est parce que j’ai des doutes sur mon modèle actuel et que je veux garder mes options ouvertes ? Est-ce que c’est parce que je considère que j’ai assez de tout, que je ne cherche rien de plus et que je n’ai donc pas de nécessité d’investissement ? Est-ce que j’ai du mal à investir, parce que j’ai du mal à m’investir ?
Comment résoudrecette crise ? Est-ce simplement en me forçant à investir ? Est-ce que réduire le symptôme chassera le mal ?
À creuser...
Notes & références
-
S. Merckelbach et P. J. Koenig, Un petit livre rouge sur la source, 2020. ↩
-
À relire : principes source. ↩
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