(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Loi de Goodhart
Attention au choix d'objectifs mesurables que l'on voudrait ensuite manipuler
En 1975, l’économiste Charles Goodhart formule une loi qui va porter ensuite son nom :
lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure1
Un bon exemple pour comprendre l’effet pervers cité par cette loi est celui d’un hôpital qui a décidé de réduire le temps d’attente aux urgences afin d’améliorer la rapidité de prise en charge et l’expérience des patients. Il a été institué une pénalité pour les temps d’attente supérieur à 4h. Quelques temps plus tard, on s’est rendu compte que le personnel de l’hôpital demandait aux ambulanciers de prendre leur temps afin d’éviter le temps d’attente dans l’hôpital.2
C’est évidemment un sujet très important dans la théorie des organisations. Mais il a aussi une application dans le domaine du développement personnel.
Lorsque j’essaie de mettre en place des changements dans ma vie, je vais généralement essayer de créer des rituels qui ancrent ces changements et les accompagner de mesure pour en suivre l’impact.
Par exemple, depuis 3-4, j’ai un objectif de lecture de 52 livres par an que je suis grâce à une application.3 Au bout de quelques temps, je me suis rendu compte que je commençais à regarder le nombre de pages d’un livre avant de commencer à le lire. J’essayais de favoriser des livres courts afin de faciliter la tenue de mon objectif...
Alors, comment se soustraire aux effets néfastes décrits par cette loi ?
Déjà, il ne faut pas hésiter à faire face honnêtement à nos limites. À prendre régulièrement de le hauteur sur notre propre fonctionnement, avec exigence et tendresse4. À détecter les moments où notre fonctionnement n’est finalement peut-être pas si aligné que ça...
Ensuite, il suffit de revenir à l’intention d’origine. C’est en elle qu’on retrouve la motivation de mettre en place le changement — ou bien de l’abandonner. La déclinaison tactique de cette intention et sa mesure peuvent ensuite être ajustés grâce à cette remise en contexte.
Enfin, on peut essayer de se donner des objectifs moins sensibles à ce genre de dérive. C’est, à mon sens, la partie la plus compliquée car un objectif doit au moins être précis et mesurable5. Et plus il l’est, plus il est en risque vis-à-vis de la loi de Goodhart...
Finalement, comme d’habitude, la solution passe par la prise de conscience de son propre fonctionnement.
Notes & références
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Marilyn Strathern. « ‘Improving ratings’: audit in the British University system », European Review, 1997, 5 (3), p 305. ↩
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Un autre exemple (dont l’authenticité n’est pas confirmée) illustre cette loi dans le contexte de la planification industrielle soviétique : lorsqu’une usine de clous avait un objectif de quantité, elle s’est mise à produire beaucoup de tout petits clous. S’en rendant compte, l’autorité de planification a décidé de fixer plutôt un objectif de poids et l’usine a fabriqué très peu de clous énormes et très lourds. ↩
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Voir ainsi le très beau témoignage d’Alexandre Jollien sur le sujet ↩
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Sur ce sujet, voir l’objectif PREMIER ↩
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