(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Marqueurs somatiques
Une bonne décision n'est pas que cérébrale, et Descartes avait tort
J’ai évoqué hier les marqueurs somatiques, qui interviennent dans la prise de décision1. C’est un fonctionnement découvert par Antonio Damasio, partagé dans son livre L’erreur de Descartes2.
Le système limbique est à l’origine des réactions émotionnelles primaires3. Par exemple, en cas de danger, on ressent une émotion très forte et on réagit très vite, « sans réfléchir » grâce au cortex somatosensitif.
Si on est habitué à une certaine forme de danger, la réaction est plus mesurée, voire opposée. Nos expériences de vies vont permettre de créer des émotions secondaires en lieu et place des émotions primaires grâce au cortex préfrontal qui va ajouter une couche de raisonnement. Ainsi lorsqu’un herpétologue4 croise un serpent rare, il sera joyeux et pas apeuré.
Au fur et à mesure de notre vie, les conséquences de nos décisions s’impriment ainsi par des sensations dans notre corps. Et vice-versa, lors d’une prise de décision, ces émotions secondaires se manifestent et nous aident à faire le tri dans les différentes options. Damasio appellera cette boucle de rétroaction les marqueurs somatiques.
Ainsi, lorsque je dois prendre une décision, mon cerveau va s’activer sur la partie rationnelle du choix, mais mon corps va aussi m’envoyer des signaux, que l’on pourrait lier à l’intuition. Ces marqueurs somatiques correspondent à des ressentis profonds qui sont l’intégration inconsciente d’expériences passées. Mais ils font aussi office d’ancrages qui peuvent m’aider à convoquer la mémoire de ces expériences.
Damasio a découvert ce principe avec un cas clinique. On a retiré une partie du cortex préfrontal d’Elliott pour extraire une tumeur. À la suite de l’opération, son QI s’est maintenu, sa mémoire est restée intacte, ses capacités de résolution de problèmes sont toujours présentes. Mais Elliott ne peut plus prendre de décisions, futiles ou importantes. Après examen approfondi, Damasio se rendit compte qu’Elliot ne pouvait tout simplement plus ressentir les émotions...
Lorsque mes coachés me demandent pourquoi il est si important de s’intéresser à leurs émotions, démarche à laquelle on n’a pas souvent été formé, je leur réponds deux choses5 :
- les émotions sont les clés d’entrée de nos besoins profonds : c’est la base du processus de communication non violente6
- les émotions nous aident à prendre de meilleures décisions : c’est le principe des marqueurs somatiques
Descartes a fait progresser la philosophie et la réflexion occidentales, mais nous a aussi mis quelques œillères en prônant une séparation trop forte entre l’esprit et le corps. Les Orientaux l’avaient compris et Damasio l’a remis en lumière: la dualité entre l’esprit et le corps n’est qu’une illusion.
Notes & références
-
À relire : choix et décision. ↩
-
Antonio Damasio, L’erreur de Descartes : la raison des émotions, 2002. ↩
-
À relire : sensation, émotions, sentiments. ↩
-
Un spécialiste des reptiles. ↩
-
Qui sont probablement deux facettes d’un même sujet. ↩
-
À relire : communication non violente. ↩
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