(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Nombre d'or de l'intelligence collective
Le nombre optimal de personnes dans un groupe pour réfléchir efficacement
Dans la précédente entrée sur la paresse sociale1, j’ai indiqué que lorsque je fais travailler des équipes ou de grands groupes sur des problématiques communes, je tends à créer des sous-groupes d’environ 5 personnes pour favoriser l’intelligence collective.
Cette entrée a montré que plus un groupe était grand, moins les individus qui le constituent mettent de l’engagement. Le maximum d’engagement, physique ou intellectuel, est obtenu pour un groupe de 1.
Mais en restant seul, même en étant plus motivé, je perds les bénéfices du facteur C2 de l’intelligence collective. Pour des tâches intellectuelles, il est primordial et il est maximum dans des groupes avec une diversité de sensibilités sociales, d’expertises et de formations, mais aussi la capacité à interagir et prendre la parole équitablement.
Je suis arrivé un peu empiriquement à une taille idéale de groupe autour de 5. Et je ne suis pas le seul. Albert Moukheiber, dans l’excellent Votre cerveau vous joue des tours3 — qui a inspiré toute ma série sur les biais cognitifs — résume :
S’intéressant à la question de la sagesse des foules, le chercheur argentin Joaquin Navajas a demandé à un panel de cinq mille cent quatre-vingts personnes de répondre à une série de questions de culture générale : la hauteur de la tour Eiffel ? La population du Mexique ? La superficie du Brésil ?...
L’expérience se déroule en trois temps : ils doivent d’abord y répondre individuellement. On leur demande ensuite de se réunir par petits groupes de cinq et d’en discuter quelques minutes pour arriver à une réponse consensuelle. Enfin, on leur donne à tous la possibilité de revenir sur leur réponse initiale.
Les réponses des petits groupes de cinq sont significativement plus précises que la moyenne additionnée des réponses de l’ensemble des participants. Le nombre de personnes composant un groupe décisionnel est donc un facteur important dans la pertinence des résultats. Plus nous sommes nombreux, moins nos réponses sont précises. Mais si nous formons des petits groupes de réflexion, nous serons plus pertinents que si nous réfléchissons tous seuls.
Comme l’étude4 l’indique, la clé de l’amélioration significative des résultats est la petite taille du groupe, mais surtout la capacité laissée au groupe de discuter du résultat avant de le soumettre. Cela a très bien fonctionné alors même que le groupe n’avait que 60 secondes pour fournir son résultat collectif.
Le fait d’offrir une seconde chance pour réfléchir à nouveau à un problème avait déjà été identifié comme bénéfique avant5, mais la différence est marquée entre les réponses où l’on a simplement proposé une deuxième réflexion à chaque personne et celles où l’on a intercalé une discussion, même très rapide, entre les deux.
L’étude n’offre malheureusement pas de raison précise sur le choix du nombre cinq comme taille de groupe optimale. D’autres ont commencé à s’y intéresser6 et sont arrivés aussi à ce nombre de cinq. Une étude récente7 va encore plus en détail sur ces éléments de littérature et montre qu’avec de bons outils de facilitation, on peut obtenir encore plus de valeur avec des groupes plus gros.
Ça représente assez bien mon expérience. Si je dois laisser un ou des groupes travailler en autonomie, alors je reste autour d’une taille de 5 personnes. Si je suis immergé et que je facilite activement la discussion du groupe, je peux travailler avec des groupes autour d’une vingtaine de personnes.
Notes & références
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À relire : paresse sociale. ↩
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À relire : ce que nous savons ensemble. ↩
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A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. ↩
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J. Navajas, T. Niella, G. Garbulsky, B. Bahrami et M. Sigman, « Aggregated knowledge from a small number of debates outperforms the wisdom of large crowds », Nature Human Behaviour, 2018, 2, p 126-132. ↩
-
D. Ariely et al, « The effects of averaging subjective probability estimates between and within judges », Journal of Experimental Psychology Applied, 2000, 6, p 130-146. ↩
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Voir cet article (en anglais). ↩
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N. Hashmi, « The more the merrier? Understanding the effect of group size on collectiveintelligence, » PhD thesis, Massachusetts Institute of Technology, 2017. ↩
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