(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Pensées pour lui-même
Le stoïcien (et empereur romain) Marc Aurèle a encore beaucoup de chose à m'apprendre
À l’occasion de la mise en ligne de ma bibliothèque1 sur ce site, j’ai revu mes notes sur quelques-uns de mes livres préférés et je suis retombé sur Pensées pour moi-même de Marc Aurèle.2
Je suis assez fan de la pensée stoïcienne, OK. Mais objectivement, cette œuvre est incroyable à au moins trois égards :
- elle a été écrite au IIe siècle, mais reste éminemment pertinente aujourd’hui
- Marc Aurèle était empereur romain, l’homme le plus puissant de son époque, et ça ne l’a pas empêché d’être un philosophe abouti et pratique
- ces pensées sont un journal personnel, elles n’étaient pas du tout vouées à la publication
Du coup, je choisis aujourd’hui de reprendre simplement certaines de ses méditations, que j’ai notées lors de ma lecture et que j’essaie de regrouper par thème.
Piliers du stoïcisme
Et la philosophie consiste en ceci : à veiller à ce que le génie qui est en nous reste sans outrage et sans dommage, et soit au-dessus des plaisirs et des peines ; à ce qu’il ne fasse rien au hasard, ni par mensonge ni par faux-semblant ; à ce qu’il ne s’attache point à ce que les autres font ou ne font pas. Et, en outre, à accepter ce qui arrive et ce qui lui est dévolu, comme venant de là même d’où lui-même est venu. Et surtout, à attendre la mort avec une âme sereine sans y voir autre chose que la dissolution des éléments dont est composé chaque être vivant.
Rien de plus misérable que l’homme qui tourne autour de tout, qui scrute, comme on dit, « les profondeurs de la terre », qui cherche à deviner ce qui se passe dans les âmes d’autrui, et qui ne sent pas qu’il lui suffit d’être en face du seul génie qui réside en lui, et de l’honorer d’un culte sincère. Ce culte consiste à le conserver pur de passion, d’inconsidération et de mauvaise humeur contre ce qui nous vient des Dieux et des hommes.
Un récapitulatif de la pensée stoïcienne (pas toujours très fun, mais on peut tout de même s’en inspirer !) :
- conseils pour atteindre la vertu
- dichotomie du contrôle — je me concentre sur ce que je maîtrise, pas sur ce qui vient des autres ou de la vie
- memento mori3 — « souviens-toi que tu vas mourir », qui pousse au détachement
Souffrance et jugement
Si tu t’affliges pour une cause extérieure, ce n’est pas elle qui t’importune, c’est le jugement que tu portes sur elle.
combien les colères et les chagrins que nous éprouvons alors, sont plus pénibles que les choses mêmes à propos desquelles nous nous mettons en colère et nous nous indignons
Songe que tout n’est qu’opinion, et que l’opinion elle-même dépend de toi. Supprime donc ton opinion ; et, comme un vaisseau qui a doublé le cap, tu trouveras mer apaisée, calme complet, golfe sans vagues.
Ma souffrance vient de mon jugement, de l’écart entre ce qui est et ce que je voudrais.
Supprime la présomption, tu auras supprimé : « On m’a fait tort ». Supprime : « On m’a fait tort », le tort est supprimé.
Un modèle mental puissant pour le pardon.
Memento mori et détachement
Tout faire, tout dire et tout penser, en homme qui peut sortir à l’instant de la vie.
En embrassant ton enfant, disait Epictète, il faut se dire en soi-même : « Demain peut-être tu mourras. — C’est de mauvais augure. — Ce n’est pas de mauvais augure, ajoutait-il, mais l’indication d’un fait naturel. Autrement, ce serait de mauvais augure que de dire des épis qu’ils seront moissonnés. »
La version parentale, très dure.
C’est, en effet, une des actions de ta vie que le fait de mourir. Il suffit donc, pour cet acte aussi, de bien faire ce qu’on fait dans le moment présent.
À garder en tête pour mon dernier jour...
Souffrance et comparaison
Que de temps gagne celui qui ne regarde pas ce que son voisin a dit, fait ou pensé, mais seulement ce qu’il fait lui-même, pour que son action soit juste et pure !
Arrêtons de nous comparer et concentrons-nous sur le sujet de nous améliorer nous-mêmes.4
Celui qui aime la gloire met son propre bonheur dans les émotions d’un autre ; celui qui aime le plaisir, dans ses propres penchants ; mais l’homme intelligent, dans sa propre conduite.
Je ne dois pas me placer en références externes.
N’aimer uniquement que ce qui t’arrive et ce qui constitue la trame de ta vie. Est-il rien, en effet, qui te convienne mieux ?
Aimer ma vie, pas celle de l’autre.
Acceptation
Aussi, un homme qui aurait le sentiment et l’intelligence profonde de tout ce qui se passe dans le Tout, ne trouverait pour ainsi dire presque rien, même en ce qui arrive par voie de conséquence, qui ne comporte un certain charme particulier.
La vie est une source d’émerveillement.
Le monde est changement ; la vie, remplacement.
Le changement est permanent.
Il n’arrive à personne rien qu’il ne soit naturellement à même de supporter.
Pas facile, mais plein d’espoir finalement.
Suivre sa nature
Considère sans cesse que tout ce qui naît provient d’une transformation, et habitue-toi à penser que la nature universelle n’aime rien autant que de transformer ce qui est pour en former de nouveaux êtres semblables. Tout être, en quelque sorte, est la semence de l’être qui doit sortir de lui.
Ça parle aussi de la vie qui veut être vécue à travers moi5 et qui doit naître de moi.
Va toujours par le chemin le plus court, et le plus court est celui qui va selon la nature.
Je dois suivre la nature, ma nature.
Pleine conscience
À tout moment, songe avec gravité, en Romain et en mâle, à faire ce que tu as en mains, avec une stricte et simple dignité, avec amour, indépendance et justice, et à donner congé à toutes les autres pensées.
La pleine conscience et le pouvoir du moment présent, version antiquité.
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Il était tout de même bon, le Marc Aurèle...
Et encore, j’ai fait un gros tri !
Notes & références
-
Pour répondre à la demande de plusieurs personnes, j’ai mis en ligne la liste complète, détaillée et notée (et parfois commentée) des 192 derniers livres que j’ai lus, avec un focus sur mes préférés au début. ↩
-
J’ai lu cette édition-là (mais comme le texte est libre de droits, il en existe des milliers) : M. Aurèle, Pensées pour moi-même, 2013. ↩
-
Cité déjà dans le principe d’inversion et dans les principes de Derek Sivers. ↩
-
Déjà vu lorsque j’ai parlé du concept de suffisfaisant. ↩
-
C’est une phrase que j’ai entendue pour la première fois dans la bouche de Frédéric Laloux. ↩
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