(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Principe d'inversion
Un modèle mental très puissant qui change notre perspective sur la vie
Le principe d’inversion consiste à considérer l’inverse de ce que l’on voudrait, puis de partir de là, plutôt que de considérer ce que l’on souhaite. C’est un principe extrêmement puissant de développement de soi ou bien de ses projets.
Dès l’antiquité, les stoïciens — notamment Marc Aurèle, Epictète ou Sénèque — pratiquaient régulièrement le premeditatio malorum. C’est une visualisation négative des maux qui pourraient les affliger — perdre leur travail, devenir malade, perdre leur statut — afin de dépasser leurs émotions négatives à ce sujet et mieux planifier leur présent. Idem pour la fameuse devise de Marc Aurèle : memento mori — « souviens-toi que tu vas mourir » —, qui était soi-disant murmurée à l’oreille des généraux par un esclave lorsqu’ils défilaient devant la foule en liesse.
Dans un autre champ, le prolifique mathématicien Carl Jacobi suivait une stratégie que l’on peut traduire par « inverser, toujours inverser ». Ré-écrire un problème sous une forme inverse ou négative — une contraposée — lui apportait de nouvelles idées pour le résoudre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, on a demandé à un statisticien/ingénieur de faire des recommandations sur les zones du fuselage des avions qu’il fallait renforcer pour minimiser les pertes lorsqu’ils attaquaient les ennemis. Jusqu’à maintenant, on regardait statistiquement les positions des impacts de balles sur les avions qui étaient rentrés pour les renforcer. Il a appliqué le principe d’inversion en postulant, à raison, qu’il fallait justement renforcer les zones qui n’avaient pas d’impact. Les avions qu’on analysait jusqu’alors étaient ceux qui étaient rentrés donc qui avaient survécu alors que c’est ceux qui avaient été abattus qu’il fallait protéger.
Une fois qu’on a pris conscience de ce principe, on se rend compte de l’utilité qu’il peut avoir dans tous les champs de notre existence. On peut l’appliquer notamment au sujet de1 :
- la productivité : je me pose la question de mes sources de distraction afin de les éliminer
- l’art : je prends à contre-pied le status quo de la production de mes contemporains
- le business ou le management : je regarde les erreurs que je fais et j’essaie de ne plus les commettre
- la gestion de projet : je fais un pré-mortem qui liste toutes les raisons pour lesquelles mon projet va échouer et je mets en place une remédiation pour les éviter
- le minimalisme : je me débarrasse de tout ce qui ne m’apporte pas de la valeur ou de la joie2 — la méthode Marie Kondo
- la relation aux autres : qu’est-ce qui l’abîme aujourd’hui, par exemple dans le couple ?
Dans le champ du coaching, ça peut donner quelque chose d’intéressant. Je pars d’une de mes croyances et je me pose la question : « et si le contraire était vrai ? » Le champ des possibles que ça ouvre est très riche.
Une limite à tout ça néanmoins : ne passons pas tout notre temps dans la vision inversée, cela peut nous prendre beaucoup d’énergie parfois. Ayons une perspective positive et optimiste sur la vie, mais n’hésitons pas à l’inverser régulièrement et à nous poser la question : « et si ? »
Pour finir, Saint-Exupéry exprime complètement ce principe d’inversion lorsqu’il disait, avec raison :
la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer
Notes & références
-
Une partie de ceux-ci sont inspirés de cet article et de celui-ci. Le déclencheur pour l’écriture de ce principe, que j’ai beaucoup croisé ces dernières années, a été cet article déjà cité dans d’autres apprenti-sages. ↩
-
William Morris, un grand homme du 19e disait : « ne garde rien dans ta maison que tu ne saches pas être utile ou que tu ne crois pas être beau. » Le choix des verbes est intéressant dans cette phrase d’ailleurs. ↩
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