Réciprocité irrationnelle
Comment éviter un réflexe punitif défiant la logique ?
Concept
Il semble que la réciprocité est un besoin fondamental de l’humain.
Pour le sociologue Marcel Mauss1, elle est même la base d’un contrat social, le don/contre-don qui s’établit de façon permanente. Cette dépendance est induite par la triple obligation de donner-recevoir-rendre. Il l’a observé dans de nombreuses civilisations. On le retrouve aujourd’hui dans des relations économiques, par exemple avec le contrat de travail.
C’est même tellement humain que parfois certains peuvent s’en servir pour nous manipuler.
Mais ça n’est pas pour autant que nous sommes complètement rationnels dans la réciprocité, même lorsque c’est à notre avantage.
L’expérience suivante a été menée pour le prouver.2
On souhaite répartir 25 $ entre 2 personnes. La première a le droit de décider de la répartition entre elle et l’autre personne. La seconde a le droit d’accepter ou de refuser l’offre de façon globale : si elle refuse, personne ne reçoit rien.
La logique voudrait qu’une offre à 1 $ de la première personne soit acceptée par la seconde, car c’est de toute façon plus que $0. Et en général, les gens décident de faire moitié-moitié.
Mais si l’offre est inférieure à 7 $, elle est majoritairement refusée. Alors qu’elle constituerait un gain certain sans effort pour tous. Au-delà de toute logique, le principe de réciprocité est tellement fort que les gens réagissent à une apparente violation par un acte vengeur.
Tu veux t’attribuer une part trop grande du gâteau, donc je te l’interdis, me lésant aussi au passage.
Réaction
À la lumière de cet exemple, j’ai pris conscience de situations personnelles où je peux avoir tendance à surréagir à ce que je peux considérer comme une injustice, alors que logiquement mon intérêt est tout de même préservé. C’est évident dans des contextes de transactions financières : je suis indépendant et je travaille souvent en collectif donc il y a une question de répartition de valeur. Je peux aussi refuser des interventions à des tarifs trop bas.
Mais je peux aussi faire preuve de réciprocité irrationnelle dans des contextes plus éloignés.
Et en général, c’est souvent parce que je me concentre sur mon besoin et que j’oublie de me poser la question : quel est le besoin chez l’autre qui est touché là ?3 Un peu de hauteur dans cette situation y remet de la logique, mais aussi du lien et de la tendresse4 afin de prendre la bonne décision, sans trop d’ego5.
Invitation
Qu’est-ce qui serait différent si je mettais un peu plus de rationalité dans ma réciprocité ?
Notes & références
-
M. Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques., 1923-1924. Republié en 1968. ↩
-
J. Haidt, The happiness hypothesis : Finding modern truth in ancient wisdom, 2006. ↩
-
À relire : communication non violente. ↩
-
À relire : exigence et tendresse. ↩
-
À relire : ego et âme. ↩
Des
entités sont
référencées
(en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
Marcel Mauss
(1)
logique
(9)
Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :
- une citation directe dans les notes
- un même livre de ma bibliothèque annotée
- une entité de référence commune
Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.
Comment interagir avec le graphe de dépendance ?