(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Si les anges volent...
Retrouver la joie sérieuse de mon enfant intérieur
Gilbert Keith Chesterton était un écrivain anglais du début du XXe siècle qui a produit des œuvres très diverses : romans policiers, essais politiques, ouvrages d’apologétique catholique.
Dans l’un1 de ces derniers, il écrit :
Si les anges volent, c’est parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère.
Cette citation me parle beaucoup.
J’aurais pu longuement essayer de la commenter ici, mais Alan Watts l’a fait2 bien mieux que je ne saurais le faire dans un passage3 provocant et révélateur sur notre gravité d’adulte — qui est d’ailleurs introduit par cette même citation :
On peut voir tant de visages ternis par une gravité qui, si elle était provoquée par le deuil, serait compréhensible. Mais cette sorte de gravité ou de sérieux qui entraîne l’homme vers le sol et tue la vie de l’esprit n’est pas l’enfant du chagrin, mais plutôt une sorte de simagrée dans laquelle l’acteur est trompé au point de s’identifier à son rôle. Il y a du sérieux dans le jeu des enfants, mais c’est très différent, car l’enfant est conscient qu’il est en train de jouer et son sérieux est une forme indirecte d’amusement. Mais ce sérieux devient un vice chez l’adulte, parce qu’il transforme le jeu en religion, s’identifiant tellement à son rôle ou sa position dans la vie qu’il a peur de la perdre.
[...]
Le message de la sagesse orientale est que les formes de vie sont maya4, et manquent ainsi profondément de sérieux du point de vue de la réalité. Car le monde de forme et d’illusion que la majorité prend pour le vrai monde n’est rien d’autre que le jeu de l’Esprit, ou, comme les hindous l’appellent, la Danse de Shiva. S’est éveillé celui qui rejoint le jeu en sachant que c’est un jeu, car l’homme ne souffre que parce qu’il prend au sérieux ce que les dieux ont fait pour s’amuser. Ainsi l’homme ne devient un homme que lorsqu’il perd son sens divin de légèreté. Car les dieux (ou bouddhas, ou tout ce que vous voulez) sont simplement notre plus profonde essence [...].
On accroche ou pas à l’aspect spirituel de l’explication de Watts — moi j’accroche —, mais on ne peut pas en ignorer la première partie, moins ésotérique.
Je crois que la vie est un jeu. Parfois, elle n’y ressemble pas vraiment, mais elle remplit en tout cas tous les critères qu’un concepteur de jeu respecte5. Mon essence est un être spirituel joueur6.
Dès lors, qu’est-ce que j’attends pour jouer ce grand jeu ? Pour retrouver la joie sérieuse de mon enfant intérieur ? Pour mieux me prendre à la légère ?
Notes & références
-
Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie, 1984. ↩
-
A. W. Watts, Become What You Are, 2003. ↩
-
La traduction est personnelle, je ne crois pas que le livre lui-même ait été traduit. ↩
-
Māyā est un terme sanskrit qui décrit notamment la nature illusoire du monde. ↩
-
À relire : la vie est-elle un jeu. ↩
-
À relire : être spirituel joueur. ↩
Réagir & partager
- Participe à la conversation ou à son écho sur LinkedIn !
- Temps de lecture : 3 minutes
- Pour te poser une sage question chaque matin :