(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Soustraire plutôt qu'ajouter
Par défaut, je cherche à rajouter, alors même qu'il serait plus efficient d'enlever
Lorsque l’on cherche à trouver une solution à un problème ou à améliorer un système, on pense principalement à ajouter un élément plutôt qu’à en enlever un.
C’est la conclusion d’une étude1 parue dans la revue Nature et qui montre, à travers 8 expérimentations, que si on ne nous souffle pas l’oreille qu’il y a peut-être une solution soustractive nettement supérieure, notre heuristique par défaut — notre système 12 — est d’essayer de trouver une solution additive.
Par exemple, les participants voyaient une structure en Lego3 qu’ils devaient essayer de renforcer et au lieu d’enlever une brique mal positionnée, ils en ajoutaient trois. Ou bien lorsqu’un président d’université a interrogé le corps académique et les étudiants sur leurs recommandations pour améliorer la réalisation de la mission de l’université, seulement 11 % des réponses proposaient d’enlever des éléments de règlementation ou de supprimer des initiatives.
Ça n’est pas vraiment que nous valorisons moins les solutions soustractives, mais plutôt que nous n’y pensons même pas. Et lorsqu’on cadre mieux notre pensée ou l’exercice — favorisant le système 22 — alors ce biais disparaît.
À une époque où on s’interroge sur la capacité de notre environnement à gérer notre présence toujours plus envahissante, cet effet est particulièrement préoccupant. Il entraîne une inflation naturelle de nos dispositifs, de nos entreprises, de nos solutions, etc. Par exemple, il est plus naturel de chercher de la croissance afin de devenir rentable — un effet d’échelle par exemple — plutôt qu’une réduction de nos coûts inutiles. On va acheter un meuble pour accueillir de nouveaux bibelots plutôt qu’en réduire le nombre.
Même si l’étude ne le démontre pas, certains auteurs font l’hypothèse que notre culture privilégie les solutions additives, en les considérant comme plus créatives que les solutions soustractives. Ainsi, en proposant d’enlever quelque chose, je pourrais être moins valorisé... Si je considère en plus le biais des coûts irrécupérables4 et l’aversion à la dépossession5, cela me semble assez crédible.
En tout cas, il ne faut pas hésiter à utiliser le principe d’inversion6 — extrêmement puissant — pour contrer cette heuristique. Valoriser explicitement des solutions soustractives dans le cadrage de la demande, à soi-même ou aux autres, peut suffire. Selon moi, favoriser le minimalisme7 !
Car comme le disait Saint-Exupéry :
la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer
Notes & références
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Gabrielle S. Adams, Benjamin A. Converse, Andrew H. Hales et Leidy E. Klotz, « People systematically overlook subtractive changes », Nature, 2021, 592, p 258–261. ↩
-
À relire : système 1 / système 2. ↩ ↩2
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À relire : biais des coûts irrécupérables. ↩
-
À relire : aversion à la dépossession. ↩
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À relire : principe d’inversion. ↩
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À relire : bien-être et minimalisme ; acheter le bonheur ; dire non ; 6 questions pour une vie plus intentionnelle. ↩
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