Nuance
Comment éviter les idéaux boiteux qui trahissent la vie ?
Concept
Le loup des steppes1 est un roman initiatique assez perturbant d’Herman Hesse, un de mes auteurs préférés. Il raconte l’histoire d’un homme seul qui incarne le mal-être d’une génération qui ne trouve pas sa place dans les évolutions du monde.
J’en ai surligné de nombreux passages, notamment :
Il est mauvais que l’humanité s’efforce de raisonner trop et cherche à ordonner au moyen de la logique des choses inaccessibles au raisonnement. Elle donne naissance à des idéaux comme ceux des Américains ou ceux des bolcheviks, tous deux extraordinairement rationnels, mais qui pourtant violent et appauvrissent terriblement la vie parce qu’ils la simplifient d’une manière tellement naïve.
Réaction
Hesse y parle ainsi de la nuance comme remède à la création d’idéaux boiteux qui trahissent la vie.
C’est quelque chose qui m’interroge profondément. C’est en lien direct avec la double question qui me tiraille2 depuis quelques années : à quel moment dois-je tirer et à quel moment dois-je relâcher ?
C’est particulièrement prégnant à un moment où certaines décisions écologiques que j’ai prises m’éloignent de personnes que j’aime. Par exemple, j’ai arrêté de manger de la viande, même lorsqu’on m’invite quelque part. Du coup, c’est souvent un sujet de discussion. Une partie de moi est contente de l’avoir : c’est une forme de prosélytisme passif. Une autre partie le regrette chaque fois : j’apparais souvent comme extrémiste sur cette position. Et l’on m’a régulièrement fait cette remarque...
Je me dis systématiquement : est-ce que je manque de nuance sur le sujet ? Est-ce que je suis un Américain ou un bolchevik du sujet ? Est-ce que je trahis la vie ?
Pourtant, je reconnais la puissance et la sagesse de la voie du milieu. Quelle est cette voie ici ?
Ce que quelqu’un considère comme extrême est tellement relatif à sa position actuelle3 4 5.
Hesse écrit aussi :
Chaque époque et chaque âge a sa notion d’éthique, de tradition, de cruauté, de beauté ou de bonté. La vie humaine devient vraiment difficile lorsque deux âges, deux cultures ou deux religions se chevauchent.
C’est probablement assez vrai, mais je crois, comme Neal Stephenson6, que les choses intéressantes se produisent à la frontière. Je suis content d’essayer de vivre à cette frontière : c’est plus difficile, mais plus riche.
Et en seconde lecture, la citation initiale de Hesse invite aussi à une approche moins rationnelle et plus émotionnelle ou spirituelle. Pour un ingénieur bien cartésien comme moi qui essaie de prendre ce virage, c’est une belle invitation. Tout ne doit pas forcément être logique.
Invitation
Qu’est-ce qui serait différent si je développais ma nuance tout en renforçant mes idéaux ?
Notes & références
-
H. Hesse, Steppenwolf, 2012. ↩
-
À relire : tirer et relâcher. ↩
-
Donner le droit de vote aux femmes était extrême il n’y a pas si longtemps, alors que c’est une évidence aujourd’hui... C’est d’ailleurs assez dingue qu’on ait attendu aussi longtemps pour le faire. La Turquie l’a fait avant la France ! ↩
-
À relire : fenêtre d’Overton. ↩
-
Avant, je trouvais les véganes extrêmes, mais aujourd’hui, c’est un choix que je respecte, même si je n’y suis pas. ↩
-
À relire : à la frontière. ↩
Des
entités sont
référencées
(en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
logique
(9)
Herman Hesse
(1)
Neal Stephenson
(2)
transition
(1)
Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :
- une citation directe dans les notes
- un même livre de ma bibliothèque annotée
- une entité de référence commune
Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.
Comment interagir avec le graphe de dépendance ?