Hugues Le Gendre

(almanach n°328 du )

Propriétaire, vraiment ?

Comment voir que ce n'est peut-être pas la bonne posture ?

Concept

En CP, ma fille a appris1 une chanson d’Alain Schneider dont le refrain, un peu entêtant, dit :

T’es rien sur la terre, terrien
Rien qu’un locataire
Et je te le dis tout net
Prends soin de ma planète !
Rien ne t’appartient, terrien
Ici sur la terre
Et je te le dis tout net
Prends soin de ma planète !

Elle a trouvé un écho particulier chez moi.

Réaction

Avant, nous étions propriétaire d’un appartement en ville. Au-delà des aspects patrimoniaux, être propriétaire dans ce cadre c’est intéressant : je peux faire des travaux, installer la décoration que je veux, etc. Je me sentais vraiment propriétaire2 et en pouvoir.

Aujourd’hui, nous avons une maison entourée de nature et nous ne sommes plus les seuls à habiter les lieux sur lesquels nous sommes installés : il y a des oiseaux3 dans les arbres, des animaux au sol4 ou qui nichent5 autour de notre étang.

La première fois que les grenouilles m’ont tenu éveillé une nuit de juin, j’étais assez énervé. À cet instant, j’avais envie de les faire partir de chez moi...6

Chez moi ! Alors même qu’elles étaient là bien avant moi, depuis que l’étang est installé... Les oiseaux ne m’ont pas attendu pour aller et venir. Ce sont eux qui ont probablement dû voir une partie de leur terrain de jeu coupé en parcelles il y a 50 ans, des fruitiers arrachés, etc.

Le droit que j’ai sur ce terrain, du point de vue de la nature, est tout de même ténu. Une inscription dans un registre et la confiance dans notre société que ce droit sera respecté, ça me rassure. Mais les animaux s’en moquent bien.

Mon déménagement a changé mon rapport à la nature.

Par exemple : nous devions faire des travaux sur l’étang, mais un couple de canards s’est installé pour nicher. Je pouvais agir en propriétaire, déclencher des travaux et perturber la vie de beaucoup de créatures. À la place, j’ai dû décaler mes plans, malgré tous les désagréments que cela pose. De même, il faut évidemment attendre la bonne période pour planter, etc.

Je ne me sens plus vraiment propriétaire7.

Je ne me sens pas non plus simple locataire, mais plutôt gardien ou intendant de quelque chose.

Un principe de la permaculture8 dit que tu dois laisser un lieu dans de meilleures conditions que tu ne l’as trouvé, la terre plus riche qu’à ton arrivée. Et je ressens vraiment cette responsabilité. Elle dépasse la volonté naturelle de l’humain de contrôler son environnement, pour le remettre un peu à sa place.

Invitation

Qu’est-ce qui serait différent si je réfléchissais aux autres endroits où je me comporte comme un propriétaire, alors même que cette posture n’est pas du tout indiquée ?

Il y en a un qui me vient tout de suite : mes enfants. Mais je suis sûr qu’il y en a d’autres !

Notes & références

  1. Ils sont assez engagés à l’école de notre bourg, on a des chansons sur les baleineaux à protéger, sur le fait que si l’on se met à bien partager, il y en aurait assez pour tout le monde, etc.

  2. Et tout de même un peu co-propriétaire avec des décisions collégiales à prendre pour l’immeuble.

  3. Pies, merles, corneilles, martins-pêcheurs, aigrettes, pics-verts, etc.

  4. Hérissons, chats, ragondins, insectes, etc.

  5. Grenouilles, libellules, carpes, canards et poules d’eau qui viennent nicher et sont accompagnés au printemps par une dizaine de petits, etc.

  6. Les enfants rigolent d’ailleurs toujours beaucoup du fait que je suis sorti en caleçon avec une lampe de poche pour essayer vainement de les intimer de se taire quelque temps !

  7. Quand je parle avec le maraîcher qui fournit mon AMAP, je prends encore plus conscience de ça. La nature est souveraine quand on la respecte. On peut dire qu’elle est dure ou impitoyable lorsqu’elle détruit en quelques minutes des plants qui poussaient depuis des mois. Mais ça serait lui prêter des sentiments ou des intentions humaines. En pratique, elle est juste elle-même. Pour le coup, lui ne se sent vraiment pas propriétaire.

  8. À relire : permaculture de la vie ; faute et responsabilité ; accords toltèques.

Des entités sont référencées (en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
contrôle (14) décision (44) nature (3) parentalité (24) responsabilité (7) Alain Schneider (1)

Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :

Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.

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Comment interagir avec le graphe de dépendance ?

Réagir & partager

Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

L'almanach Apprenti-sage est une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.