Hugues Le Gendre

(note n°29 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Réciprocité irrationnelle

Un réflexe humain mais pas forcément très logique, voire punitif

Il semble que la réciprocité est un besoin fondamental de l’humain.

Pour le sociologue Marcel Mauss1, elle est même la base d’un contrat social, le don/contre-don qui s’établit de façon permanente. Cette dépendance est induite par la triple obligation de donner-recevoir-rendre. Il l’a observé dans de nombreuses civilisations. On le retrouve même aujourd’hui dans des relations économiques, comme par exemple avec le contrat de travail.

C’est même tellement humain que parfois certains peuvent s’en servir pour nous manipuler.

Mais ça n’est pas pour autant que nous sommes complètement rationnels dans la réciprocité, même lorsque c’est à notre avantage.

L’expérience suivante a été menée pour le prouver.2 On souhaite répartir $25 entre 2 personnes. La première a le droit de décider de la répartition entre elle et l’autre personne. La seconde a le droit d’accepter ou de refuser l’offre de façon globale — si elle refuse, personne ne reçoit rien.

La logique voudrait qu’une offre à $1 de la première personne soit acceptée par le seconde — car c’est de toute façon plus que $0. Et en général, les gens décident de faire moitié-moitié.

Mais si l’offre est inférieure à $7, elle est majoritairement refusée. Alors qu’elle constituerait un gain certain sans effort. Au delà de toute logique, le principe de réciprocité est tellement fort que les gens réagissent à une apparente violation par un acte vengeur.

À la lumière de cet exemple, j’ai pris conscience de situations personnelles où je peux avoir tendance à sur-réagir à ce que je pourrais considérer comme une injustice, alors que logiquement mon intérêt est tout de même préservé. C’est évident dans des contextes de transactions financières — je suis indépendant et je travaille souvent en collectif donc il y a une question de répartition de valeur. Je pourrais aussi refuser des interventions à des tarifs trop bas.

Mais ça l’est aussi dans des contextes plus éloignés.

Et en général, c’est souvent parce que je me concentre sur mon besoin et que j’oublie de me poser la question : quel est le besoin chez l’autre qui est touché là ? Un peu de hauteur dans ce situation y remet de la logique mais aussi du lien et de la tendresse afin de prendre la bonne décision, sans trop d’égo.

Notes & références

  1. Marcel Mauss (1923-1924). Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques. Année Sociologique, seconde série. Re-publié en 1968. Les Presses universitaires de France, Quatrième édition, 482 pages. Collection: Bibliothèque de sociologie contemporaine.

  2. Jonathan Haidt. The happiness hypothesis : Finding modern truth in ancient wisdom, 2006.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
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