Hugues Le Gendre

(note n°141 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Autodétermination

Pourquoi est-ce que nous faisons ce que nous faisons ?

À la suite de l’apprenti-sage d’hier sur les deux exemples un peu paradoxaux d’absence de liberté, je voulais boucler le sujet de l’autodétermination.1

Edward Deci et Richard Ryan postulent en 20022 que le développement personnel et l’expérience de l’humain sont optimaux lorsqu’il est dans un environnement favorable qui nourrit trois besoins psychologiques basiques :

  1. compétence : j’utilise mes capacités3
  2. relation sociale : je me sens connecté aux autres
  3. autodétermination : je suis à l’origine de mon propre comportement

Sur ce dernier sujet, ils sont les premiers à vraiment avoir renversé le modèle de la motivation qui consistait jusqu’à lors à favoriser le circuit de la récompense de façon extrinsèque. C’est comme ça qu’on a été éduqué à l’école : bons points, notes, félicitations, etc. Leur idée a été de souligner l’importance de l’intérêt que l’on a pour l’activité elle-même plutôt que pour ce que nous attendons obtenir du fait qu’elle soit réalisée.

Ils ont ensuite affiné le modèle en passant d’une opposition extrinsèque/intrinsèque à un continuum4 d’autodétermination :

  1. L’amotivation : je n’agis pas
  2. Motivation extrinsèque
    1. La régulation externe : je cherche à obtenir la carotte ou éviter le bâton
    2. La régulation introjectée : je cherche avant tout une approbation extérieure ou intériorisée inconsciemment
    3. La régulation identifiée : je vois de l’intérêt rationnel donc je le fais, mais je n’en ai pas vraiment envie
    4. La régulation intégrée : cela correspond à mes valeurs ou mes croyances, et me permet de nourrir mes besoins ou réaliser mes objectifs
  3. Motivation intrinsèque : cela correspond à mes modèles et je trouve un réel intérêt et du plaisir à pratiquer l’activité pour elle-même

Ce sujet de la motivation est un sujet presque quotidien pour moi avec mes enfants. Comment réagir lorsque ma fille me montre un dessin qu’elle vient de faire et me demande si je le trouve beau ? En général, l’intention de cette question est de chercher une forme d’approbation. Mais comme on vient de le voir, celle-ci est à double tranchant :

Aujourd’hui, je choisis de d’abord lui retourner la question avant de répondre. Voir ce qu’elle en pense elle : est-ce qu’elle a pris du plaisir à réaliser son dessin ? est-ce qu’elle est contente du résultat ? qu’est-ce qu’elle changerait pour la prochaine fois ? Ensuite seulement, je lui donne mon avis.

Je suis toujours un peu effaré de voir à quel point l’école les met en références externes — faire les choses pour l’approbation des autres. Leurs maîtresses font des efforts : par exemple, elles définissent maintenant un ensemble d’activités à faire sur la semaine et les enfants les font dans l’ordre qu’ils veulent. Mais la réussite de ces activités est en général assez peu valorisée pour elle-même, mais plutôt par des critères d’appréciation et de mise en valeur extérieures. Et l’obéissance stricte — le bâton métaphorique de la chaise rouge où on est puni — à des règles, plutôt que l’adhésion à des principes de vie en communauté, reste encore de mise.

Vaste sujet qui me plonge parfois dans un désarroi profond sur la manière d’aider au mieux mes enfants à devenir des adultes fonctionnels. Je n’ai pas toutes les réponses et je fais forcément de nombreuses erreurs, mais j’essaie de garder toujours une bonne intention et de partager avec eux mes faiblesses.

Notes & références

  1. Pr E. Deci, Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?: Motivation, auto-détermination et autonomie (Accompagnement et Coaching), 2018.

  2. Richard M. Ryan et Edward L. Deci, « Overview of self-determination theory: An organismic-dialectical perspective », Handbook of self-determination research, University of Rochester Press, 2002, p 3–33.

  3. Mes capacités sont un des niveaux logiques qui me caractérisent.

  4. Il y en a une bonne description aussi ici : O. Piazza, Découvrir l'intelligence collective, 2018.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

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