Hugues Le Gendre

(note n°301 du )

(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)

Incertitude en v

Quoi planifier suivant l'horizon de temps et comment éviter l'illusion du contrôle

Dans mes interventions, je suis souvent amené à accompagner des individus, des équipes ou des organisations qui doivent planifier du changement. Cela peut être dans un contexte de transition personnelle, mais c’est surtout dans le champ de l’amélioration du fonctionnement collectif ou de l’innovation pure avec un nouveau produit, un nouveau business model, etc.

Ainsi je demande à mes interlocuteurs de construire une feuille de route de ce changement, une liste d’actions à venir dans le futur pour arriver aux résultats qu’ils recherchent. Et j’observe souvent qu’il y a peu d’actions à court terme — les prochains jours — et beaucoup d’actions à moyen terme — l’année qui vient.

Alors je dessine souvent pour eux une courbe qui représente le degré de certitude qu’ils peuvent avoir aujourd’hui en fonction d’un horizon temporel. Cette courbe a la forme d’un v écrit en cursive, ou en attaché sans la petite boucle à droite : elle est élevée à très court terme, puis redescend sur le moyen terme et enfin remonte sur le long terme.

Je n’arrive pas à retrouver l’origine de cette modélisation, mais je me la suis clairement appropriée depuis quelques années, car je la trouve extrêmement pertinente dans de nombreux contextes. Mon expérience de ces sujets me fait croire qu’on peut développer une certitude forte sur le court et le long terme, mais qu’il est illusoire de vouloir contrôler le moyen terme.

À court terme, hormis un changement drastique de mon environnement, je sais assez bien à quoi m’attendre. Je sais à peu près à quoi va ressembler ma vie dans les jours qui viennent, de même pour mon environnement concurrentiel, etc. Je peux donc avoir un niveau de certitude élevé sur ce qui va arriver dans cette période. En miroir, je peux donc planifier efficacement des actions dans cette période avec un risque faible qu’elles deviennent obsolètes dans l’intervalle.

À moyen terme, la projection de mon avenir personnel ou professionnel devient plus chaotique. La probabilité que mon environnement se modifie augmente fortement, et comme l’indique la boucle du changement1 — changement -> problème -> solution -> changement — je vais avoir de nouvelles décisions à prendre, qui vont changer aussi mon propre positionnement, mes croyances, mes envies, etc. En bref, le monde va bouger et moi aussi. Ainsi, mettre trop d’énergie aujourd’hui sur cet horizon est globalement une perte de temps. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas en mettre — comme le disait Eisenhower2 : les plans ne sont rien ; c’est la planification qui compte —, mais il ne sert à rien d’être trop précis. Le temps avancera, et lorsque cet horizon arrivera dans une zone de plus forte certitude, alors que je pourrai efficacement planifier des actions.

À long terme, cet effet chaotique est évidemment beaucoup plus grand ! Alors, pourquoi indiquer une certitude qui augmente ? Tout simplement parce que c’est la zone où je me dois de créer une vision précise3, basée sur de grands principes et dans de grandes lignes. Cela va définir un cap que je vais essayer de suivre dans les années qui viennent. C’est là où je pose la vision du monde que j’ai envie de voir advenir et c’est la direction que je décide d’atteindre. Il y a évidemment des moments forts de ma vie où ma vision du monde va changer, peut-être radicalement. Mais entre ces moments, j’ai tout intérêt à garder cette boussole bien en main pour m’assurer que ce que j’entreprends m’emmène bien dans la bonne direction.

Évidemment, l’échelle dépend du sujet et des conditions extérieures. Dans certains contextes, le long terme est un horizon à quelques années, et dans d’autres à seulement quelques mois.

Finalement, cela revient à voir la vie — la mienne, celle de mon produit, celle de mon entreprise — comme un système dynamique complexe. Un système est un ensemble d’éléments et d’interactions entre ces éléments qui possède une fonction générale. Avec ce prisme systémique, je vois vite que je peux aujourd’hui essayer de fixer un objectif au système — ma vision à long terme — et certaines règles d’interaction — mes actions à court terme —, mais que je ne peux raisonnablement prévoir l’évolution du système dans le temps et je devrai nécessairement les ajuster.

Il y a pour moi une exception nécessaire à planifier sur tout l’horizon, notamment le moyen terme : mettre en place une boucle d’amélioration continue où je ré-évalue régulièrement mon environnement, mon positionnement, l’écart à ma vision afin de planifier de nouvelles actions à court terme pour revenir dans la bonne direction.

Notes & références

  1. À relire : boucle du changement.

  2. À relire : complexe ou compliqué ; prédécision ; urgent ou important.

  3. À relire : têtu sur la vision, flexible sur les détails.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
Il donne aussi une idée de ce que je cherche à insuffler dans mes interventions.

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