Aversion à la dépossession
Comment arrêter de survaloriser ce que je possède ?
Concept
Dans la série mon cerveau me joue des tours1, rubrique mes biais cognitifs, je demande le biais d’aversion à la dépossession aussi appelé l’effet de dotation.
Une fois que l’on possède quelque chose, on lui attribue plus de valeur que lorsqu’il n’est pas à nous.
Ce biais n’est pas nouveau. Aristote l’avait déjà identifié dans l’Éthique à Nicomaque :
C’est que, la plupart du temps, le possesseur d’une chose ne lui attribue pas la même valeur que celui qui souhaite l’acquérir : chacun, c’est là un fait notoire, estime à haut prix les choses qui lui appartiennent en propre et celles qu’il donne.
Il a été plus formellement explicité dans une étude2 où l’on donnait des mugs à des étudiants et on leur proposait de les vendre ou de les échanger. On s’est rendu compte que la propension à payer était deux fois inférieure à la propension à vendre. Autrement dit, les gens ayant un mug demandaient, pour la transaction, un prix deux fois supérieur à ceux qui n’en avaient pas.
De nombreuses validations de ce biais ont ensuite eu lieu, car il a une importance capitale dans les théories économiques, notamment lorsqu’on souhaite définir la valeur de quelque chose (comme une indemnité compensatoire, etc.) J’ai trouvé celle-ci intéressante : des employés travaillent deux fois plus pour garder un bonus qui fait partie d’un package défini à l’avance que pour obtenir le même bonus hypothétique3 !
Réaction
Dans mon quotidien, ce biais apparaît par exemple dans ma quête de minimalisme : ça peut être plus compliqué de me libérer d’un objet simplement parce que je le possède. Une bonne tactique à appliquer à ce moment est de se poser deux questions : à combien suis-je prêt à le vendre ? à combien serais-je prêt à acheter un objet identique ? La prise de conscience de la différence entre ces deux prix peut être un bon déclencheur !
Ce biais a probablement joué au moment où nous avons vendu notre appartement... et aussi acheté notre maison !
Si je transpose ce biais à la relation intra- et interpersonnelle, je vois un parallèle très fort avec la difficulté que je peux avoir à mettre des changements dans ma vie. Je vais m’attacher naturellement à ce que j’ai aujourd’hui : mon travail, mon personnage4, mon statut... De même, autant que me détacher d’objets, me détacher de croyances est un exercice compliqué !
Un endroit où je trouve que ce biais est intéressant : les relations de couple. L’aversion à la dépossession a une tendance à les renforcer, car on va survaloriser les bienfaits que nous trouvons dans la relation... Un peu comme un biais de confirmation5 positif.
Invitation
Qu’est-ce qui serait différent si j’acceptais plus facilement de lâcher les choses que je possède ?
Notes & références
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Cette expression est inspirée du livre : A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. Ce podcast, avec le philosophe Charles Pépin, est à écouter pour en avoir une synthèse. ↩
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D. Kahneman, Jack L. Knetsch et Richard H. Thaler, « Experimental Tests of the Endowment Effect and the Coase Theorem », Journal of Political Economy, 1990, 98 (6) : 1325–1348. ↩
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»Carrots dressed as sticks », Economist, 2010, 394 (8665) : 72. Cite : Tanjim Hossain et John A. List, « The Behavioralist Visits the Factory: Increasing Productivity Using Simple Framing Manipulations », Management Science, 2012, 58 (12) : 2151–2167. ↩
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À relire : personnage. ↩
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À relire : biais de confirmation. ↩
Des
entités sont
référencées
(en lien avec d'autres apprenti-sages à découvrir) :
Daniel Kahneman
(8)
biais
(45)
minimalisme
(19)
couple
(5)
Ce graph montre le sous-ensemble des apprenti-sages de l'almanach en lien avec celui-ci via :
- une citation directe dans les notes
- un même livre de ma bibliothèque annotée
- une entité de référence commune
Il permet de montrer la tentative de lecture synoptique que j'essaie d'avoir dans ma pratique.
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