Hugues Le Gendre

(note n°275 du )

Biais de lister des biais

Biais cognitif -- le risque de cataloguer ses biais

Dans la série1 mon cerveau me joue des tours2, rubrique mes biais cognitifs, je demande le biais de lister des biais.

Ça n’est pas un biais officiel et répertorié. C’est plutôt une amorce de réflexion, provoquée par une question de Thomas, un lecteur d’Apprenti-sage. Il se demandait où on pouvait aller avec ce listage un peu exhaustif de biais que je fais tous les vendredis depuis quelques mois. Au-delà de mots posés, il m’interrogeait sur le risque que l’on pouvait courir à trop essayer de connaître nos biais, notamment sur notre façon d’aborder la vie.

Je trouve ce questionnement métaphysique justifié et pertinent. Je n’ai pas toutes les réponses, mais je souhaite continuer à former ma pensée sur le sujet en écrivant ici.

Déjà, il est clair que l’exercice actuel que je fais sur les biais est un exercice assez mental, une approche un peu scientifique de l’exploration de mes limites cognitives, qui commence à prendre la forme d’une accumulation. Et je suis conscient que d’être trop dans le mental me coupe de la vie. Je deviens trop dans la carte et pas assez dans le territoire3.

J’y vois un premier intérêt tout de même. Si je prends de la hauteur sur cette liste, je vois surtout un principe inéluctable : je suis biaisé à mort, et malgré toute la conscience que je peux acquérir de cela, je ne crois pas que je puisse m’en libérer pleinement. Mon cerveau a ses limites. Par exemple, il n’est pas en mesure de traiter l’ensemble des signaux qui lui parviennent, notamment les millions d’informations qui atteignent mes sens ou qui sont stockées dans ma mémoire. Pour ma survie, il fait le tri.

Ainsi, l’exploration un peu exhaustive des biais est surtout une façon régulière de m’en souvenir. Les mécanismes observés sont souvent assez proches donc il y a un effet de redite qui m’aide à ancrer cette croyance que mes perceptions et mes décisions sont complètement faillibles.

Si je vais un cran plus loin, je crois que les biais sont justement ce qui fait que je suis un humain et pas une machine. Parfois, je vais prendre des décisions intuitives, peut-être pas complètement rationnelles, mais bonnes, car elles vont servir un besoin plus subtil et néanmoins important. Ainsi, dans l’espace créé par le biais mental dans la logique froide, le cœur a peut-être la place pour se glisser.

Maintenant, il y a effectivement un risque. À vouloir contrôler toute ma perception, je risque d’être paralysé dans l’action. Autrement dit, je vais courir le risque de ne pas vivre, de peur de mal vivre...

C’est quelque chose de très mental évidemment, mais ce risque n’est pas à négliger. Alors même que je crois fortement qu’il vaut mieux mal vivre, dans ce contexte, que ne pas vivre... Mon chemin intérieur ne peut pas se déployer uniquement dans ma tête.

Du coup, j’aurais tendance à dire qu’il faut apprendre à lâcher un peu le système 24 et laisser le système 1 faire son travail. Mais pour les décisions importantes, il est primordial de prendre du recul, de questionner mes hypothèses et surtout m’entourer de gens qui pensent différemment5, afin de représenter une perception plus complète et moins biaisée du sujet.

Finalement, le chemin pour moi sur le sujet se résume à ces premières grandes étapes :

Mais la route est probablement encore longue.

Merci Thomas ! Je serai content de recueillir le point de vue d’autres personnes, histoire de réduire mes biais 😉

Notes & références

  1. J’essaie de documenter différents biais cognitifs, une fois par semaine, un peu comme je l’avais fait pour les lois de l’UX.

  2. Cette expression est inspirée du titre du livre : A. Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, 2019. Et de la discussion eu avec le philosophe Charles Pépin dans son podcast.

  3. À relire : carte et territoire.

  4. À relire : système 1, système 2.

  5. À relire : loi de la proximité.

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Je m'appelle Hugues Le Gendre et je convertis les problèmes complexes de mes clients en opportunités d'agir autement et de nous transformer (eux et moi).

Mes notes d'apprenti-sage sont la collection des petites choses du quotidien qui me nourrissent, modifient mes modèles mentaux, affinent ma philosophie de vie et me guident sur mon chemin d'apprenti-sage.

Une partie d'entre elles a été réunie dans un almanach : une invitation quotidienne au développement personnel et professionnel. En partageant des théories et des pratiques, documentées précisément et mises en lien avec la vraie vie, et en posant une question importante par jour, il contribue à devenir plus conscient⸱e, s'examiner honnêtement et actualiser sa propre philosophie de vie. En tout cas, ça en a été l'effet sur moi et sur des milliers de lecteurs depuis que je publie mon journal !
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