(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Conformisme
Une expérience hallucinante qui montre à quel point notre besoin d'appartenance nous conditionne
L’expérience suivante1 montre la force du conformisme social.
Une jeune femme entre dans un cabinet d’ophtalmologie. La salle d’attente est pleine d’acteurs, mais elle ne le sait pas : pour elle, ce sont des patients normaux attendant leur tour de consultation.
Au bout de quelques instants, un bip retentit dans la salle d’attente et tous les faux patients se lèvent puis se rassoient. La jeune femme est un peu étonnée et regarde avec embarras et confusion autour d’elle. Quelques secondes plus tard, le bip retentit à nouveau, même topo.
Au bout du troisième bip, sans trop savoir pourquoi, la jeune femme finit par se lever et se rasseoir avec le groupe. Et elle continuera de le faire ensuite.
Belle intégration d’un comportement de groupe déjà ! mais ça ne s’arrête pas là, ça ne serait pas drôle (ou triste)...
Au fur et à mesure, les faux patients partent tous un par un en consultation et les organisateurs de l’expérience s’arrangent pour que personne ne rentre dans la salle d’attente pendant un moment. Si bien que la jeune femme finit par se lever à chaque bip alors qu’elle est maintenant toute seule dans la salle d’attente.
Là, le comportement est véritablement ancré ! Mais allons encore un cran plus loin...
À partir de maintenant, de vrais patients commencent à arriver un par un dans la salle d’attente. Lors du premier bip, la jeune femme se lève. La personne qui vient d’arriver ne comprend pas vraiment et l’interroge : « pourquoi vous levez-vous ? » Et elle répond, un peu embarrassée : « tout le monde le faisait donc j’ai pensé que c’était ce qu’il fallait faire... »
Est-ce que ça va prendre ?
À partir du bip suivant, le nouveau venu, tout d’abord un peu gêné, se met à se lever avec la jeune femme... Et au fur et à mesure que les nouveaux patients arrivent, eux aussi se conforment à cette norme sociale. La jeune femme finit par quitter la salle d’attente pour son examen et le nouveau groupe continue joyeusement son petit rituel collectif.
Comment ne pas prendre conscience, après cette expérience, du poids des croyances collectives que nous avons introjectées ? Qu’est-ce que je fais aujourd’hui et qui ne vient pas du tout de moi, qui n’est qu’une réaction plus ou moins consciente à un conditionnement de ma société, de ma famille, de mon groupe d’amis ? Probablement beaucoup plus que je ne crois !
Le besoin d’appartenance est bien présent dans la pyramide de Maslow, il est en plein au milieu, juste au-dessus du besoin de sécurité. Il est tellement important que je suis prêt — comme cette jeune femme — à faire des choses complètement irrationnelles, simplement pour réduire la dissonance de ne pas appartenir au groupe.
Au delà de développer une pensée critique et de basculer régulièrement en système 22, cela renforce chez moi le besoin de choisir un environnement sain3 où les influences sont bonnes et m’entourer de gens que je respecte4.
PS : Ça me fait penser à l’expérience de Milgram, en 1963, où des gens parfaitement normaux se retrouvent à administrer des décharges de courant très importantes — en apparence, car les électrocutés sont des acteurs qui simulent la douleur — à des inconnus, sous prétexte de se soumettre à une forme d’autorité légitime.
Notes & références
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La vidéo est à voir sur YouTube. Je n’ai pas réussi à vérifier absolument si c’était un fake... Mais la présence d’un professeur de Wharton — qui existe bien — et le fait que cette expérience a été citée lors d’un cours à l’Université de Cornell m’ont convaincu de la documenter ici. Même si elle est un peu à l’américaine. ↩
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À relire : système 1 et 2. ↩
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À relire : modèle comportemental de Fogg. ↩
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À relire : la loi de la proximité. ↩
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