(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Effet Dunning-Kruger
La raison pour laquelle les gens incompétents se surestiment
L’effet Dunning-Kruger est un biais que nous avons au sujet de l’auto-évaluation de nos compétences.
Il postule que lorsque la maîtrise d’une compétence est assez faible, mais pas nulle, on va la surévaluer dramatiquement. Quand on va ensuite continuer de la développer, notre confiance en cette maîtrise va chuter de façon très importante avant de finir par remonter lorsque l’on devient un vrai expert.1 On passe ainsi de la montagne de la stupidité à la vallée de l’humilité avant d’atteindre le plateau de la consolidation.
Autrement dit : les gens incompétents se surestiment.
Ça s’explique assez bien : lorsque je creuse suffisamment une question, je prends conscience de sa complexité, qui n’est pas apparente au premier regard. Toute cette nuance a tendance à me faire perdre confiance en ma compréhension. Il faut ensuite s’accrocher et continuer à l’explorer pour monter en compétence et en assurance, « mais teintée de prudence désormais. » 2
C’est un phénomène qui me gratte un peu, car il vient apporter des arguments au combat intérieur de longue date que j’ai entre généraliste et spécialiste. Je suis plutôt de la première catégorie3 et je le revendique4. Mais la prise de conscience de l’effet Dunning-Kruger me fait m’interroger sur le peu de maîtrise fine que je pourrais avoir de nombreux sujets...
C’est d’autant plus dur à détecter que pour mesurer son incompétence, il faut être compétent !
En lien avec cet effet, il y a l’ultracrépidarianisme : le comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée. Etienne Klein — déjà cité juste au-dessus — a écrit à ce sujet un Tract de Crise intitulé « Je ne suis pas médecin, mais je... » 5 Il y décrit le comportement, très courant au début du (premier) confinement de la COVID-19, consistant à donner son avis sur la diffusion de la maladie, sans finalement trop maîtriser le sujet.
Il y a quelque chose de bien qui ressort de cet effet tout de même : cette confiance d’incompétent peut me donner envie de creuser plus le sujet et va me faire un ancrage positif qui me permettra de passer la vallée de l’humilité que d’autres appellent, à juste titre, la vallée du désespoir.
Encore faut-il en avoir conscience et choisir de creuser encore...
Notes & références
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Voici un exemple de la courbe qui visualise ce phénomène. ↩
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Étienne Klein, Tracts (N° 17) - Le Goût du vrai. Paris : Editions Gallimard, 2020. ↩
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On y retrouve les fameux T-shaped people avec un profil de connaissance en T : une connaissance (plus ou moins) superficielle d’un grand nombre de sujets — la barre horizontale du T — et une connaissance approfondie d’un sujet — la barre verticale du T. ↩
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Ce qui n’est pas évident à vendre dans un contexte professionnel quand on est indépendant. ↩
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Étienne Klein, Tracts de Crise (N° 25) - « Je ne suis pas médecin, mais je...« . Paris : Editions Gallimard, 2020. ↩
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