(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Empathie
Empathie #2 -- Tentative de définition
Cette semaine, j’écris autour du sujet de l’empathie et ce qu’elle permet.
Les idées sont tirées d’une mini-formation1 — 1 h 30 très orientée pratique — que j’ai donnée plusieurs fois à EDF en 2019.
Plutôt que donner une définition de l’empathie, j’ai envie d’en citer plusieurs, car le concept d’empathie embarque finalement beaucoup de choses et parle de façon différente à chacun.
Une définition psychologique
L’empathie ou la compréhension empathique consiste en la perception correcte du cadre de référence d’autrui avec les harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s’y rattachent.
Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui « comme si » on était cette personne – sans toutefois jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue, « comme si ».
La capacité empathique implique donc que, par exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre. Si cette dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie, mais d’identification.
— Carl Rogers2
Une définition philosophique
L’empathie véritable exige que l’on écoute de tout son être. L’écoute exclusivement auditive est une chose. L’écoute intellectuelle en est une autre. Mais l’écoute de l’esprit ne se limite pas à une seule faculté – l’audition ou la compréhension intellectuelle. Elle requiert un état de vacuité de toutes les facultés. Lorsque cet état est atteint, l’être tout entier est à l’écoute. On parvient alors à saisir directement ce qui est là, devant soi, ce qui ne peut jamais être entendu par l’oreille ou compris par l’esprit.
— Tchouang Tseu (philosophe chinois)
Une définition « communication non violente »3
L’empathie est un 6e sens avec lequel nous percevons l’énergie des émotions, au même titre que nos yeux perçoivent la lumière. (...)
Pour résumer, nous pourrions dire que la personne qui écoute avec empathie est comme un miroir : elle accueille et réfléchit ce qui lui est présenté, sans chercher à modifier l’information. Ou encore : elle est à l’image d’une roue de moulin qui, lorsque le courant de la rivière s’écoule dans ses aubes, tourne sans se poser de questions, sans se demander si la rivière devrait couler plus ou moins vite, mais adopte une vitesse proportionnée à la force du courant.
— Jean-Philippe Faure & Céline Girardet4
Une définition poétique
Dans l’empathie, on peut prendre soin de l’autre comme jamais il ne prendra soin de lui-même, par une attention qui est tendue comme un rai de lumière, mais il n’y a aucune emprise psychique sur lui.
C’est l’art double de la plus grande proximité, et de la distance sacrée. (...)
La limite de l’empathie, c’est la fusion, qui est de l’entre-dévorement.
— Christian Bobin5
Une définition métaphorique
L’empathie, c’est tendre la main à celui qui est dans le trou, ce n’est pas sauter dedans pour l’aider à remonter.
— Agnès Ledig6
Une définition anatomique
Être empathique, ce n’est ni déduire, ni penser, ni voir, ni entendre les émotions des autres... l’empathie est en fait un sixième sens avec lequel nous percevons l’énergie des émotions, au même titre que nos yeux perçoivent la lumière.
— Claude Steiner7
Une double définition
L’empathie comporte deux aspects, l’un affectif, l’autre cognitif.
L’empathie affective est la capacité d’entrer en résonance émotionnelle avec les sentiments de quelqu’un d’autre, de prendre ainsi conscience de sa situation. Si l’autre est joyeux, je ressens moi-même une certaine joie. S’il souffre, je souffre de sa souffrance. L’empathie affective nous alerte donc sur la nature et l’intensité des sentiments d’autrui, la souffrance surtout.
L’empathie cognitive consiste à se mettre à la place de l’autre – qu’est-ce que je ressentirais si je souffrais de famine ou si j’étais torturé en prison ? – ou à imaginer ce qu’il ressent, sans pour autant ressentir la même chose.— Christophe André8
Définition comparée
Dans l’empathie, on possède une qualité de détachement qui permet, en théorie, de focaliser totalement son attention vers l’extérieur.
Dans la sympathie, on est émotionnellement affecté par ce que l’autre vit, et donc ramené à soi. Par exemple, je ressens de la tristesse pour quelqu’un qui souffre.
Dans la compassion, on ressent ce que l’autre ressent et on est amené à se mettre en action.
Conclusion
Alors, laquelle vous parle le plus ?
Notes & références
-
J’en ai donné quelques-unes du même style ces dernières années. ↩
-
Carl Ransom Rogers, G. Marian Kinget, André de Peretti, et André E Botteman. Psychothérapie et relations humaines théorie de la thérapie centrée sur la personne. Issy-les-Moulineaux : ESF éd., 2009. ↩
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Nous parlerons demain de ce qu’est la communication non violente et de la place de l’empathie dans ce processus. ↩
-
J.-P. Faure et C. Girardet, L'empathie, le pouvoir de l'accueil, 2013. ↩
-
Christian Bobin, et Lydie Dattas. La lumière du monde. Paris : Gallimard, 2001. ↩
-
Agnès Ledig. Juste avant le bonheur. Paris : Michel, 2014. ↩
-
Claude M Steiner, Paul Perry, et François Olivier. L’ABC des émotions: développer son intelligence émotionnelle. Paris : InterÉditions, 2000. ↩
-
Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard, et Catherine Meyer. Trois amis en quête de sagesse. Paris : L’Iconoclaste Allary éditions, 2015. ↩
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