(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
L'heure de la main vide
Ce moment de passage si important qui terrifie
Je suis un fan de Christian Bobin1. C’est un écrivain-poète qui me touche. Avec des mots simples, il décrit des situations complexes et personnelles comme l’amour, la perte, l’espérance, la mort, l’intelligence2.
Dans Le Très-Bas, un magnifique livre sur François d’Assise et son chemin de développement personnel, il écrit :
On est comme ces enfants qui tendent une bille dans leur main gauche et ne lâchent prise qu’en s’étant assurés d’une monnaie d’échange dans leur main droite : on voudrait bien d’une vie nouvelle, mais sans perdre la vie ancienne. Ne pas connaître l’instant du passage, l’heure de la main vide.
Ça me fait penser à ce que j’ai écrit il y a quelques jours sur le problème de riche3. Dans cette transition d’un chapitre à un autre d’une vie, il n’est pas rare de connaître cette heure de la main vide.
En fait, c’est souvent plus un passage qu’une transition. Il y a un moment de bascule, un moment plus ou moins long de déséquilibre. Comme un rite de passage, presque. J’ai l’impression que ce phénomène est assez commun quand on parle de transformation profonde de sa vie. Il y a une perte temporaire de repères, une heure où l’on se sent perdu. Et cette heure peut durer un peu...
C’est rassurant, en fait.
Je ne suis plus l’enfant décrit par Bobin. J’ai appris à faire confiance à la vie et à mon entourage. À ouvrir la main gauche tout en ayant la droite encore vide. Peut-être est-ce là un signe de l’âge adulte : comprendre que l’on ne peut pas faire tout — mais qu’on peut peut-être tout faire4.
Bobin va même plus loin, en écrivant ensuite :
Il devine à l’instinct que la vérité est bien plus dans le bas que dans le haut, bien plus dans le manque que dans le plein.
Pour lui, c’est le manque qui est vrai plus que le plein, c’est la position du très-bas, plutôt que du très-haut.
Notes & références
-
C. Bobin, L'homme qui marche, 1995.
C. Bobin, La plus que vive, 2014.
C. Bobin, Le Très-Bas, 1997. ↩ -
À relire : empathie ; cette vie nous est donnée ; d’ici la mort ; intelligence et intelligence et amour. ↩
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À relire : problème de riche. ↩
-
À relire : tout faire ou faire tout. ↩
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