(note reprise dans l'almanach : aller lire la version enrichie)
Paresse intellectuelle
Passer de la paresse intellectuelle à l'incompétence stratégique afin de faire face au flot d'information qui m'assaille
La paresse intellectuelle, c’est mon comportement lorsque je ne prends pas le temps de réfléchir à un sujet avant de décider ou de m’exprimer.
Henri Poincaré disait :
Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir1.
J’ai l’impression que ce sujet, partagé au début du XXe siècle par Poincaré, est aujourd’hui encore plus critique.
Je n’en suis pas totalement responsable. La surcharge cognitive à laquelle je suis soumis — l’augmentation vertigineuse du nombre de sujets auxquels je suis exposé, sur lesquels je suis sollicité, ou à propos desquels je dois ou je veux me faire une conviction — est juste devenue trop importante. L’accès à l’information s’est fluidifié et la production d’information s’est généralisée, donc forcément, le monde dans lequel je vis et le périmètre de la capture mentale que je dois en faire n’a plus rien à voir avec celle d’un aïeul vivant au XIXe.
Sauf qu’entre temps, le cerveau n’a pas radicalement évolué. La transformation culturelle a largement dépassé la transformation physiologique du cerveau. Je suis toujours soumis à la Loi de Miller2, qui limite ma conscience et ma mémoire à environ 7 éléments différents en même temps. Je suis toujours sous le biais de l’heuristique de disponibilité3, qui me fait favoriser ces éléments directement accessibles pour ma prise de décision.
Et l’augmentation s’accompagne évidemment d’une accélération. Je dois décider vite. Je dois me faire un avis rapidement, avant que le projecteur ne passe sur un autre sujet. Et je n’ai souvent pas le contrôle sur ce projecteur, ou du moins je le crois.
En bref, je n’ai plus vraiment le temps de penser4.
Et pourtant j’ai une responsabilité, vis-à-vis de moi, de ma famille et notamment mes enfants, de la société, de la nature... Je fais partie d’un système que j’influence. J’en ai le droit, mais plus encore, j’en ai le devoir. Si je veux voir le monde changer, quelle que soit l’échelle que j’envisage, je ne peux pas me reposer uniquement sur les autres.
Donc je choisis de prendre le temps de réfléchir et de purger ma mémoire de travail, afin d’y placer les bons éléments en vue de pouvoir prendre une décision éclairée.
Donc je choisis de mettre le projecteur sur les sujets qui ont du sens pour moi, afin d’utiliser ma précieuse énergie mentale sur des choses importantes, selon mes termes.
Donc je choisis de m’entourer de personnes bonnes, réfléchies et différentes de moi, afin de réduire mes angles morts et améliorer ma perception d’un sujet.
Donc je choisis d’être à côté de la plaque sur de nombreux sujets, car je ne peux pas être pertinent partout. Je mets mon égo de côté, j’embrasse cette stratégique incompétence5 et j’ose dire « non, je n’ai pas encore d’avis sur la question. »
Notes & références
-
Henri Poincaré, La science et l’hypothèse, 1902. ↩
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À relire : loi de Miller. ↩
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À relire : heuristique de disponibilité. ↩
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À relire : pauvre en temps. ↩
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À relire : commencer à terminer. ↩
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